07/08/2012
Le pouilleux
J’étais assez content de nous. Depuis que la petite est arrivée à la maison, nous avions réussi à l’occuper sans peine.
Le matin, entre le petit-déjeuner, les dessins animés à la télé, sa console Nintendo et la toilette, il ne lui reste plus beaucoup de temps libre avant le déjeuner. A trainer entre chaque activité comme elle le fait, le temps s’écoule à une vitesse dépassant l’entendement. Je me demande comment elle fait chez elle pour arriver à l’heure à l’école ? Il faudra que j’interroge les parents. L’avantage c’est que nous n’avons pas à nous creuser trop la cervelle pour meubler son emploi du temps. L’après-midi, avec ce beau soleil, les sorties dans le coin ne manquent pas et elle peut se dépenser physiquement.
Tout baignait comme on dit, jusqu’à ce dimanche. La météo annonçait de la pluie et sacrebleu, ils ne s’étaient pas trompés. Voilà qui compliquait sérieusement les choses. Ma femme avec ses lessives et son repassage avait trouvé la bonne excuse, ne restait que moi pour distraire la gamine. Reconnaissons qu’elle n’est pas trop exigeante non plus. J’ai timidement proposé de jouer aux cartes, l’idée fut adoptée dans la joie et la bonne humeur.
Sauf que moi, les cartes, ça se limite à la belotte avec les hommes et au strip-poker avec les dames, rien qui puisse convenir dans le cas présent. Après un inventaire des possibilités il s’avéra que la gosse connaissait deux jeux, la bataille et le pouilleux. Je ne sais pas si vous vous souvenez de ces jeux, moi ce n’étaient que bribes au fin fond de mon esprit.
Va pour un tour de bataille. Jeu ou punition, j’hésite encore à me déterminer. Cloué sur ma chaise par un ennui mortel après avoir jeté deux ou trois cartes et devinant que la partie allait s’éterniser, j’ai ressenti d’un coup à quoi j’avais échappé en n’ayant pas eu d’enfants à élever. Une sueur froide rétrospective me glaçait les reins. Mes grimaces de souffrance ou mon attitude générale peut-être, toujours est-il que la divine enfant a dû percevoir mon malaise. Les enfants sont très perspicaces, inconsciemment peut-être, mais le résultat est là. Gentiment elle m’a proposé, à la fin de la partie, de jouer à autre chose. Je l’aurais embrassée, les larmes aux yeux.
Restait le pouilleux. Je me rappelais que le valet de pique endossait le rôle maudit, mais à part cela, les règles m’échappaient encore. La petite eut tôt fait de me les remémorer. Dire que c’est passionnant serait mentir, mais ça tenait la route, au point que les parties s’enchaînaient les unes après les autres. Baraka des débutants et analyse psychologique, je gagnais à tous les coups, accroissant la rage de poursuivre de la gamine, hélas en vain pour elle.
A ce stade il était l’heure de goûter, un intermède heureux. Une fois les cartes rangées dans leur boîte, personne n’a eu l’idée de les en ressortir. Pour aujourd’hui tout au moins.
07:00 Publié dans Echos de ma vie | Tags : jeux de cartes, belote, pouilleux, bataille | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | | |