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08/08/2012

Touriste d’un jour

S’il est agréable d’endosser la tenue de touriste dans une ville étrangère pour partir à sa découverte, il est un plaisir peut-être plus grand encore c’est celui de se vêtir des mêmes habits dans sa propre ville. 

Touriste réel, vous êtes avide de découvertes, les yeux grands ouverts et le nez dans le guide, vous cherchez à ne rien rater ou du moins à en voir un maximum. Monuments, rues et commerces, passants, tout est sujet d’observation, l’appareil photo est mis à contribution pour pallier aux trous de mémoire. Il faut s’en mettre plein les mirettes avant le retour à la maison, pour plus tard, quand devant vous quelqu’un évoquera Berlin, Prague ou New York pouvoir discrètement glisser « Je connais ! ». Mais que d’efforts aussi. Barrière de la langue parfois, étonnement perpétuel devant les us et coutumes exotiques, surprises gustatives quand l’assiette servie ne correspond pas du tout à ce que vous pensiez avoir commandé. Le charme des voyages à l’étranger. 

Pour l’autochtone le touriste est souvent ridicule. S’il vous semble presque naturel de photographier taxis, bus ou cabines téléphonique à Londres, ça ne vous viendrait même pas à l’esprit dans les rues de Paris. Inversement, quand un étranger prend en photo la rue où vous passez chaque jour pour vous rendre au boulot, votre haussement de sourcils involontaire indique que vous vous étonnez qu’on puisse trouver un intérêt à ce coin de Paris.

Profitant du mois d’août et de la météo clémente, j’ai donc voulu jouer au touriste, mais sans appareil photo, dans ma propre ville ou du moins là où je suis né et longtemps vécu, Paris. Et que fait tout bon visiteur de la capitale, il s’offre une croisière en bateau-mouche. Calé dans votre fauteuil, vous êtes baladé de monuments en monuments, tous plus exceptionnels les uns que les autres, sans aucune fatigue et avec les commentaires éclairés de l’hôtesse de bord.

Je n’étais plus monté sur ces bateaux depuis cinquante ans je pense, m’imaginant que l’ayant déjà fait une fois et connaissant la ville, ce serait de l’argent gaspillé. Grave erreur. Je suis revenu de la balade absolument enchanté. Voguer langoureusement sur les eaux de la Seine est d’un grand confort et Paris, entre le pont Bir-Hakeim et celui d’Austerlitz est réellement merveilleux. Les monuments vus d’en-dessous, du niveau du fleuve, prennent encore plus de majesté et de hauteur. Tour Eiffel, Louvre, Musée d’Orsay, Conciergerie… Saluons le zouave qui monte la garde au pont de l’Alma, tout fiérot d’avoir les pieds au sec. Clignons des yeux, éblouis par les reflets du soleil sur l’or des statues du pont Alexandre III ou du toit de l’Institut. Tout le Paris des cartes postales défile devant mes yeux blasés mais débarrassés des contraintes de la mémorisation décrites plus haut, l’esprit en repos se laisse aller à la rêverie, à la contemplation gratuite et sans arrière-pensée. Le vent doux d’août me chatouille le visage et la croisière s’amuse. J’écoute distraitement les minces commentaires de la guide, ne retenant que quelques informations par-ci, par-là, m’amusant des vrais touristes, qui eux brandissent leurs appareils photos pour immortaliser Notre-Dame sous toutes ses coutures.

Qu’il fait bon se prélasser sur le pont extérieur du navire, à se gaver des beautés architecturales de la ville en un diaporama géant, tout en faisant un léger « coucou ! » de la main, aux malheureux piétons qui du haut des ponts nous regardent filer comme si nous étions des nababs en goguette. L’heure passe à une vitesse folle et quand la vedette s’amarre sous les piles du Pont-Neuf, c’est avec regret que les voyageurs remettent pied à terre. Renvoyés à notre statut de badauds pédestres, le charme est rompu, la ville aussi belle soit-elle redevient la ville…