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05/10/2008

Le poêle

La température peu clémente de ces dernières semaines a incité à remettre le chauffage dans les habitations et depuis peu dans mon bureau. Habitant en immeuble, je n’ai pas à me soucier de faire remplir une cuve à mazout ou faire le plein de bois pour la cheminée. Il n’en a pas toujours été ainsi. Au milieu des années cinquante, j’habitais Paris, au dernier étage sous les toits en zinc d’un immeuble quelconque de la rue Richer. Bâtiment sans ascenseur, un bel escalier montait jusqu’au palier du dessous, avant de se poursuivre plus modeste jusqu’à notre étage. A une époque plus ancienne encore les étages inférieurs étaient habités par les bourgeois et le dernier, le notre, par les gens de condition inférieure. Plus loin dans le couloir de l’étage un escalier en bois montait aux greniers ou bien se poursuivait par un alignement de chambres de bonnes. Dans ce couloir, une fontaine, seule source d’eau pour les locataires des chambres, ainsi que les WC à la turque pour tous les habitants de l’étage dont votre serviteur. Je n’ai pas beaucoup de souvenirs sur ces locataires si ce n’est qu’une des mansardes était occupée par un couple de russes blancs, ayant fuit la révolution. Des dorures de leur grand pays à la petite turne de leur pays d’exil le grand écart est cruel. Mes parents, ma sœur et moi, habitions un petit logement sur le palier où se terminait l’escadrin, ce no man’s land entre le bourgeois et sa valetaille. Une pièce qui faisait chambre pour tous, grâce à d’astucieux canapés ou fauteuils repliables qui nécessitaient une manœuvre parfaitement orchestrée chaque soir pour se coucher, une entrée à la surface mal exploitable et une toute petite cuisine avec évier et eau courante (Hé !Ho ! Quand même !) dont un vasistas était la seule fenêtre et où nous devions nous caser pour déjeuner. Le plafond en pente obligeait ma sœur, la plus petite en âge et donc en taille, à se glisser au bout de la table du repas et n’en plus bouger jusqu’à l’issue. Plus tard, sa croissance normale, sera une des raisons principales qui nous obligera à déménager vers la banlieue, mais ceci est une autre histoire. En y repensant, peut-être que si elle était restée naine, nous y serions restés plus longtemps ? Néanmoins nous y vivions heureux. C’est du moins mon souvenir d’enfant. Quand l’automne arrivait et qu’il fallait envisager l’hiver, il était temps de faire le plein de charbon, car nous nous chauffions grâce à un poêle trônant dans la pièce principale. Le charbon, coke ou boulet, était stocké dans la cave. Un endroit terrifiant où l’on descendait par un escalier étroit, sentant le salpêtre, au sol terreux et aux murs de pierre où courraient des fils électriques et des tuyaux mystérieux propices à abriter des araignées dodues. Le bougnat noiraud nous livrait ses sacs de jute portés sur l’épaule et les vidait dans notre cave dans un nuage de poussière d’anthracite. Avec la lourde pelle en bois et métal il remettait dans le tas, les morceaux de charbon qui avaient roulé plus loin. Quand la froidure arrivait, la nécessaire corvée débutait. Mon père descendait à la cave remplir un seau en métal de charbon pour le remonter dans notre logement, soit de la cave à chez nous, cinq ou six étages je ne sais plus. Un truc à se ruiner la santé. Ma sœur et moi devions nous tenir éloignés du poêle particulièrement au moment où ma mère lui redonnait à manger. Avec le tisonnier elle ouvrait la porte derrière laquelle des flammes timides se dandinaient puis avec une petite pelle, elle lui versait sa ration, une pelle pour papa, une pelle pour maman, la grosse bête en fonte en rugissait de plaisir, les flammes rougeoyantes exhalaient des bouffées de chaleur et des odeurs maléfiques. Notre nid devenu douillet pour la soirée nous pouvions vaquer à nos occupations jusqu’à ce que la bête affamée réclame sa pitance encore. Quand le seau se vidait mon père ce héros, redescendait au centre de la terre pour entamer le tas et le cycle ainsi recommençait.                 

 

 

 

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