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10/03/2010

Bien sûr il y a aussi les élections

« Ô bon électeur, inexprimable imbécile, pauvre hère, si, au lieu de se laisser prendre aux rengaines absurdes que te débitent, chaque matin, pour un sou, les journaux grands ou petits, bleus ou noirs, blancs ou rouges, et qui sont payés pour avoir ta peau; si, au lieu de croire aux chimériques flatteries dont on caresse ta vanité, dont on entoure ta lamentable souveraineté en guenilles, si, au lieu de t'arrêter, éternel badaud, devant les lourdes duperies des programmes; si tu lisais parfois, au coin de ton feu, Schopenhauer et Max Nordau, deux philosophes qui en savent long sur tes maîtres et sur toi, peut-être apprendrais-tu des choses étonnantes et utiles. Peut-être aussi, après les avoir lus, serais-tu moins empressé à revêtir ton air grave et ta belle redingote, à courir ensuite vers les urnes homicides où, quelque nom que tu mettes, tu mets d'avance le nom de ton plus mortel ennemi. Ils te diraient, en connaisseurs d'humanité, que la politique est un abominable mensonge, que tout y est à l'envers du bon sens, de la justice et du droit, et que tu n'as rien à y voir, toi dont le compte est réglé au grand livre des destinées humaines. Rêve après cela, si tu veux, des paradis de lumières et de parfums, des fraternités impossibles, des bonheurs irréels. C'est bon de rêver, et cela calme la souffrance. Mais ne mêle jamais l'homme à ton rêve, car là où est l'homme, là est la douleur, la haine et le meurtre. Surtout, souviens-toi que l'homme qui sollicite tes suffrages est, de ce fait, un malhonnête homme, parce qu'en échange de la situation et de la fortune où tu le pousses, il te promet un tas de choses merveilleuses qu'il ne te donnera pas et qu'il n'est pas, d'ailleurs, en son pouvoir de te donner. L'homme que tu élèves ne représente ni ta misère, ni tes aspirations, ni rien de toi ; il ne représente que ses propres passions et ses propres intérêts, lesquels sont contraires aux tiens. Pour te réconforter et ranimer des espérances qui seraient vite déçues, ne va pas t'imaginer que le spectacle navrant auquel tu assistes aujourd'hui est particulier à une époque ou à un régime, et que cela passera. Toutes les époques se valent, et aussi tous les régimes, c'est-à-dire qu'ils ne valent rien. Donc, rentre chez toi, bonhomme, et fais la grève du suffrage universel. Tu n'as rien à perdre, je t'en réponds; et cela pourra t'amuser quelque temps. Sur le seuil de ta porte, fermée aux quémandeurs d'aumônes politiques, tu regarderas défiler la bagarre, en fumant silencieusement ta pipe. »

Ainsi s'exprimait Octave Mirbeau (1848-1917) dans un court texte La grève des électeurs dont on peut lire l'intégralité sur le site des Editions du Boucher.

Une lecture de saison puisque ce dimanche nous sommes tous conviés à déposer notre bulletin dans l'urne la plus proche de notre domicile. Il y aura les convaincus, bleus, rouges, verts peut importe la couleur, ils voteront par conviction ou par attachement à leur parti. Certains suivront les consignes de leur famille politique, d'autres pas. Il y en a qui n'iront pas voter car ils ont d'autres occupations ce jour-là et les considèrent prioritaires sur tout autre emploi du temps, des non votant ne se déplaceront pas car ils n'auront pas réussi à faire leur choix tandis qu'il en est qui considèreront que voter pour l'une ou l'autre liste c'est bonnet blanc et blanc bonnet.

Je vous épargne le couplet sur la démocratie que nous avons chèrement conquise, ce droit acquis que d'autres nous envient au prix de leurs vies. Loin de moi l'idée de vous forcer la main ou d'influer sur votre choix mais j'estime, contrairement à Octave Mirbeau, qu'il est normal de se déplacer pour voter, quitte à voter blanc. Voter blanc c'est exprimer son sentiment, je me déplace, je vote mais vous êtes tous nuls ou pourris (je vous laisse biffer la mention erronée) donc je ne donne ma voix à aucun de vous. Là le message est clair et sans ambigüité.

Alors que celui qui ne vote pas du tout, celui là peut être classé dans la catégorie des indécis ou tout autre groupe dont s'empareront les partis politiques ou les instituts de sondages pour développer plus ou moins honnêtement leurs analyses. Donc moi j'ai fait mon choix, dimanche je vais aller voter.

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