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19/02/2011

Le caillou de Cayeux

Sur mon bureau trône un presse-papier minéral, un caillou rapporté de vacances lors d’un séjour à Cayeux au bord de la Manche, il y a plusieurs années déjà. Les galets de l’endroit sont réputés dans le monde entier jusqu’au Japon, exploités et exportés pour en faire des poudres utilisées dans la cosmétique par exemple.

Une longue plage de galets où le promeneur ne peut s’empêcher de ramasser ces pierres rondes à la texture lisse et douce au toucher. Chacun s’empresse de trouver le caillou qui s’adaptera le mieux à la taille de sa paume pour le faire rouler entre ses doigts, dans ce même geste sensuel qu’à l’automne nous procure le marron fraîchement tombé de l’arbre et qu’on ne peut s’interdire de ramasser. Galets gris mais surtout bleus qui font la réputation de la ville et le bonheur des photographes amateurs ou pas, quand le soleil perce à travers les nuages gris et que la lumière quasi magique nimbe la plage cérulée.

On commence par choisir son caillou rond, puis l’idée d’en rapporter plusieurs vous vient vite car vous vous souvenez d’avoir lu un article ou vu des photos dans un magazine de décoration où des galets étaient éparpillés négligemment sur une table basse ou empilés dans un vase transparent pour apporter cette touche Feng Shui qui sied tant à l’appartement de l’Homme moderne.

A arpenter la plage de long en large, à force de scruter le sol pour trouver le galet idéal, on finit par tomber sur des pierres qui deviennent précieuses. Précieuses parce que c’est votre découverte, tous les autres sont passés avant vous mais n’ont rien vu. Vous êtes fier de votre butin, un galet a attiré votre regard, il a quelque chose de spécial que vous n’avez pas encore réellement compris mais instinctivement vous vous êtes penché vers lui. Maintenant il est dans votre main, son poids est agréable, lourd mais pas trop, doux au toucher. Il suffit de le frotter un peu pour épousseter les traces de sable qui adhèrent à la pierre légèrement humide, vous la retournez et l’image vous saute aux yeux. Là, dans la matière dure, une empreinte bien visible.

D’un coup d’un seul, le piéton sur la plage s’est transformé en paléontologue sur le terrain. Ce caillou, cette pierre, n’est pas un vulgaire galet, il porte en lui la trace fossilisée d’un végétal ou d’un animal. Quand je le contemple émerveillé, j’ai l’impression d’y voir un cheval cabré, mais la probabilité de faire coïncider ma vision avec la réalité est très mince si on considère que la marque ne mesure que 6cm dans sa hauteur, même un poney…

En fait, je ne suis pas certain de vouloir savoir de quoi il s’agit. Fossile ou pas, empreinte du vivant dans la roche ou simple marque provoquée par l’érosion, que m’importe à dire vrai, la réalité risque d’être moins belle que ce que j’ai imaginé. C’est mon galet, je l’ai trouvé et s’il n’est pas chargé d’histoire du moins est-il rattaché à mes souvenirs de temps heureux sur cette plage de vacances. Là est sa réelle valeur.  

 

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Commentaires

À CAYEUX-SUR-MER

C'est à Cayeux-sur-Mer, petite station balnéaire du nord de la France, que je découvris la mer.

C'est là que, enfant, j'eus un premier contact avec l'immensité. Certes je connaissais la voûte nocturne et aussi l'azur ensoleillé des jours de vacances radieux, mais les étoiles et les nuages sous lesquels je rêvais étaient encore trop abstraits, très loin de mes yeux puérils, tandis que le bruit des vagues était infiniment plus proche, mystérieux et familier, et l'écume qui bouillait entre mes mollets n'était point un songe inaccessible. La mer était là qui jetait mon corps sur le sable avec ses grandes claques glacées, ses rires salés, ses grondements terribles.

Jouant ainsi dans l'onde en furie et faisant face à l'horizon qui s'étendait à perte de vue, j'avais la sensation étrange de baigner dans l'infini.

Comme la réminiscence d'un éden perdu.

En plongeant dans l'océan, l'écho d'un univers sans borne résonnait en moi. J'étais le temps, j'étais Dieu, j'étais un enfant.

Cette sensation d'éternité ne m'était pas du tout étrangère. J'avais une dizaine d'années. Dix ans me séparaient de la source de ces "battements cosmiques". Du plus profond de mon être je le savais sans jamais l'avoir appris. Je m'étonnai de cette connaissance infuse. Un crabe suffisait cependant à détourner mon attention de cette sensation suprême. Je m'amusais à le suivre. Et le crabe entrait dans la Lumière, car c'était bien la Lumière que je voyais à la place de la lumière d'été.

Je me sentais à la fois extrêmement proche et à une distance incalculable de ce coeur invisible venu du bout de l'Univers qui se manifestait jusqu'à travers le sable sous mes pieds. Ignorant tout du monde, à dix ans je venais confusément d'avoir conscience de l'essentiel. Pour la première fois de ma jeune existence je me baignais dans la mer. Et la mer était pour moi l'épiderme de l'Univers, le premier degré vers un monde infini. Les nuées se mouvaient vivement dans l'atmosphère, le crabe roulait sous les vagues, les cris des mouettes se perdaient dans le ciel... J'ouvrais les yeux sur le monde. Pas les yeux du corps, ceux de l'âme.

Ce fut l'Éveil.

Raphaël Zacharie de IZARRA

Écrit par : Raphaël Zacharie de IZARRA | 07/06/2011

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