13/07/2011
La prière du soir
Il l’avait recueilli à l’entrée de la forêt, non loin de la station service automatique posée comme un furoncle sur le bord de la route nationale qui s’y enfonçait en une longue ligne droite de plusieurs dizaines de kilomètres. Sans être fréquent, ce n’était pas la première fois que ce genre d’incident se produisait. Une zone déserte le plus souvent, une station service où l’on s’arrête pour faire le plein du réservoir de sa voiture et le vide de sa vessie puis quand l’automobile repart, il reste seul quelques instants avant de réaliser qu’il a été abandonné. Un classique.
Que vouliez-vous qu’il fit, si on a un cœur c’est pour s’en servir. Il s’était approché en prenant un air amical pour ne pas l’effrayer, un geste caressant avait suffi, l’entente avait été immédiate entre eux. Il lui avait fait comprendre de le suivre chez lui, il n’avait pas refusé, peut–être qu’entre deux maux il avait choisi le moindre, être seul dans ce désert certainement hostile alors que les ombres de la nuit se profilaient à l’horizon ou bien suivre cet inconnu qui semblait gentil vers un toit et un couvert, le dilemme n’était pas cornélien.
Les premiers temps ils avaient dû prendre leurs marques, s’observant l’un l’autre à la dérobée, les mots ne peuvent pas tout. Ils avaient sensiblement le même âge, du moins sur le papier, car en réalité plus mâture il n’avait eu aucun mal à imposer son autorité discrète mais ferme, ce que le petit orphelin avait accepté sans rechigner, soulagé aussi de pouvoir compter sur une présence forte à ses côtés. Les mois ont passé qui ne sont que des secondes mises bout à bout, le petit a grandi un peu. Désormais il se débrouille tout seul dans sa vie de tous les jours, leur vie commune ne l’étonne pas plus que cela, pourquoi en serait-il autrement puisqu’il n’a pas d’autre modèle de référence, la cabane où ils vivent est retirée du monde.
Tobby le chien est plutôt fier de lui, depuis qu’il a recueilli le gamin il a réussi à en faire un petit homme tout à fait acceptable, bientôt il pourra le relâcher dans les faubourgs du village dont il n’ignore pas la présence derrière cette forêt. Ce soir quand ils vont se coucher, il lui fera répéter sa prière et si le petit s’en tire bien il envisagera son retour parmi les siens.
« Au nom du cocker, du sloughi et du saint-bernard, que votre volonté soit fête ! »
07:00 Publié dans Nouvelles | Tags : chiens, nouvelle | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | | |
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