07/12/2011
En mode veille
Depuis quelques jours je suis entré en semi-hibernation ou en mode veille pour employer une expression plus moderne. Comme chaque année quand vient décembre, je fais une retraite intérieure qu’on peut qualifier de régression volontaire.
Je profite de l’approche de Noël afin de surfer sur l’idéologie de la période pour m’imaginer que nous vivons dans un monde heureux, que paix et amour sont notre pain quotidien, que la vie est redevenue ce qu’elle était dans mon enfance, une longue époque de bonheur parfait comme les mettaient en images ces comédies américaines où l’on chantait « Santa Claus Is Coming To Town » au son guilleret des clochettes, sous une neige de coton tombant des cintres.
Pour parfaire l’illusion et le mirage, je me gave des décorations lumineuses dans les rues, je fréquente exceptionnellement les Grands Magasins du boulevard Haussmann ou bien je m’enfonce dans le Paris de la rue du Bac, vers le Bon Marché, qui s’il fait peut-être encore le bonheur des dames, n’en accroît que plus le mien. Juste le plaisir de voir et de regarder. J’ai besoin de ces sapins chargés de boules et guirlandes, de ces paillettes et lumières joyeuses, des yeux émerveillés des enfants devant ces vitrines animées.
Aucun kitsch ne sera ridicule pour moi durant les semaines qui viennent, j’adhère à toutes ces bêtises comme ces pères Noël en baudruche suspendus aux balcons des immeubles même s’ils sont d’une laideur effroyable ou bien cette débauche de guirlandes lumineuses le long des façades de certains pavillons qui transposent Las Vegas dans une ruelle miteuse d’une ville de banlieue. Allez-y ! Faites en des tonnes ! Je veux m’en gaver pour ce mois de débauche que je m’autorise. Comme l’alcoolique noie son désespoir dans l’excès de boisson, je veux oublier ce monde de merde dans une profusion d’étoiles étincelantes de leurs feux, de leds multicolores donnant vie aux arbres endormis.
Dans le Centre commercial je veux transpirer parmi la foule qui se presse, liste en main, faire ses achats de cadeaux, chez les fleuristes je veux m’enivrer de l’odeur fraîche des sapins coupés depuis peu qui attendent sagement leurs nouveaux propriétaires, avant de dépérir près de l’âtre. J’irai sur les marchés dévorer du regard les étals des bouchers et des charcutiers, où s’alignent les cadavres à plumes et à poils de nos réveillons à venir. Je veux voir chez les pâtissiers les bûches glacées me réchauffer le cœur.
Je ne manquerai aucun magazine, aucun catalogue, nous proposant leurs recettes pour dresser une table de fête, avoir une idée soit disant originale pour un cadeau de dernière minute, un bon plan pour trouver l’accessoire de mode indispensable à notre tenue de soirée. Toutes ces foutaises sont acceptées, tous ces articles répétés chaque année sont attendus comme preuve absolue de l’approche des fêtes.
En dépit de la crise et justement parce qu’elle se profile à l’horizon, profitons de ces dernières semaines de décembre pour lui tendre un doigt d’honneur peu chrétien, certes, mais qui soulage !
07:00 Publié dans Echos de ma vie | Tags : noël, crise, doigt d'honneur | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | | |
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