La loggia enchantée

Dès que les signes avant-coureurs de l’hiver sont apparus, j’avais disposé quelques nourritures sur le balcon pour mes petits amis les oiseaux. Mes attentions prévenantes n’avaient néanmoins pas rencontré le succès que j’en attendais. Pour dire les choses franchement, j’étais déçu.

De temps à autre, une mésange s’aventurait en repérage mais sans jamais s’attarder et toute la bande voletait de branches en branches dans les arbres devant ma fenêtre, avant de s’enfuir bien vite ailleurs. C’est toujours meilleur chez les autres, m’étais-je dit. Pourtant, comme chaque année, je proposais mon menu habituel, boules de graisse et graines de tournesol qui jusqu’alors avait toujours satisfait mes clientes. Je me suis armé de patience et j’ai attendu.

J’ai attendu qu’il neige et ça n’a pas trainé. Les chutes à répétition de ces derniers jours ont eu raison de leur dédain et les mésanges se sont à nouveau ruées vers mon auberge accueillante. Quand la nature ensevelie sous l’épais manteau blanc n’offre plus le couvert aux passereaux affamés, ils doivent se rabattre sur ce que nous aurons la gentillesse de leur donner. Et depuis samedi, sur mon balcon, c’est une féérie, nous jouons à guichets fermés, les bandes de mésanges se succèdent par vagues, les mignonnes petites font la queue aux mangeoires car il apparaît qu’elles n’acceptent pas d’être à plusieurs sur la même assiette. Dès que l’une s’empiffre, une ou deux autres lui signalent qu’elles attendent et hâtent son repas.

Une noria de mésanges se met en place entre l’arbre et mon balcon. Les boules de graisse sont dévorées sur place, les graines de tournesol emportées vers l’arbre pour être dépiautées tranquillement. A l’intérieure de la loggia, c’est un ballet aérien permanent à certaines heures de la journée et quand toutes les places sont occupées, les autres volent en surplace comme des colibris, attendant leur tour.

Mon bouquin n’a plus d’intérêt quand un tel spectacle s’offre à moi et je n’ai plus d’yeux que pour elles, jolies petites mésanges dans ma loggia devenue enchantée.