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17/12/2015

Le réveille-matin

Longtemps c’est le réveille-matin qui m’a sorti de la torpeur nocturne dans laquelle je me complaisais, m’indiquant sévèrement qu’il était l’heure d’aller bosser. Combien de fois ai-je failli le fracasser contre un mur pour lui faire rendre gorge, lui claquer définitivement le beignet, ne plus entendre cette sonnerie ignoble apparentée aux trompettes de l’Enfer.

Puis vint le jour de mon départ à la retraite qui coïncida avec l’entrée en silence du foutu appareil. Etait-ce un ultime pied de nez moqueur de cet engin de malheur, fût-ce la conséquence d’un épuisement fatal après toutes ces années d’égosillements, on ne le saura jamais puisque depuis cette date, le réveille-matin s’est tu.

Du coup, j’en ai bien profité. Nuits à rallonges, sommeil sans fin programmée, j’ai eu tout le temps de rattraper ces heures de repos qui manquaient à mon compteur. La couette et moi avons juré de ne plus nous séparer sans consentement mutuel, de ne plus répondre aux sollicitations extérieures, bref de vivre nos nuits comme nous l’entendions, libres de toute contrainte. Les années ont passé, je me réveille quand je le veux, je me lève quand je le désire, le témoin muet sur ma table de nuit se contente d’indiquer l’heure.

Mais voilà que depuis quelques mois, j’ai comme un sentiment de manque, une sorte de malaise difficile à exprimer. Je suis trop bien, je suis trop libre. Ca peut paraitre paradoxal mais après m’être gorgé de ce bonheur, j’en perds le goût, comme un gamin ayant mangé trop de bonbons, n’en peut plus, n’en veut plus. Au début je n’y ai pas fait attention, ignorant ce sentiment nouveau mais je le sens qui me taraude lentement. Pour preuve, mes nuits sont moins bonnes qu’avant, j’ouvre un œil vers deux heures, trois heures du matin, et l’œil lumineux sur ma table de nuit semble me narguer en silence. Je sais qu’il attend son heure, je sais qu’il sait que je vais le solliciter à nouveau, je sais qu’il sait que je le sais. Je résiste, mais du coup je ne dors plus.

Je ne vois plus qu’une seule issue à mon problème. Je n’ose encore la formuler à voix haute, alors je vais l’écrire dans un premier temps. Certainement qu’un jour prochain – très proche – je vais réactiver la sonnerie de mon réveil. Sortir des bras de Morphée en fanfare va redonner un coup de fouet à ma vie, grogner au petit matin en cherchant le bouton d’arrêt de la sirène va me rappeler ma jeunesse. Sans contraintes, la vie n’aurait-elle pas de goût ?

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