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30/05/2012

Dernier jour à New York

Je me souviens de ce vendredi 2 juillet 1993. Je m’en souviens parce que c’était notre dernier jour à New York, je m’en souviens parce que c’était notre dernier jour ensemble.

Depuis quelques mois je sortais – plus ou moins - avec Sandrine, une relation bancale depuis le début car elle hésitait à quitter son copain d’alors pour s’engager franchement avec moi, beaucoup plus âgé qu’elle. Je comprenais ses hésitations et je ne devais pas être franchement convainquant, ayant beaucoup de mal moi-même à abandonner mon état enviable de célibataire pur et dur. J’avais passé de peu la quarantaine, elle se rappelait comme si c’était hier, ses vingt ans. Quand on aime on ne compte pas, mais c’est rarement un bon calcul.

Avant de la rencontrer j’avais commencé à mûrir l’idée d’un voyage à New York, j’y pensais depuis toujours mais le moment était venu de me lancer dans l’aventure. Je suis le genre de gars qui planifie, qui rumine un projet avant de le mettre en branle. Ce léger retard à l’allumage m’avait permis d’évoquer avec Sandrine mon envie devenue pressante et c’est ainsi que nous nous sommes découvert une passion commune pour la Grosse Pomme. Un signe du destin sans doute, il ne fallait plus tarder.

Je passe sur les aspects logistiques, accorder nos dates de congés, obtenir les visas et billets d’avion ainsi qu’éplucher les guides pour ne rien rater de ce qui doit être vu là-bas. Un observateur extérieur aurait pu penser que nous préparions notre voyage de noces mais entre le moment où nous lançâmes le projet et le jour du départ, de l’eau sous les ponts avait coulé et notre idylle avait sombré. La raison avait triomphé des élans du cœur, la jeunesse se devait d’aller avec la jeunesse, Sandrine décida de retourner avec son copain.

Il n’y eut ni larmes, ni cris et c’est heureux. L’amour est aveugle, mais l’évidence nous décilla les yeux. Si la rupture était aisée, nous étions trop engagés pour annuler notre voyage, là encore le pragmatisme guida notre choix, à défaut de vivre notre amour ensemble pour l’éternité nous pouvions vivre notre rêve durant une semaine outre-atlantique.

Le départ de Paris me sembla pénible, elle arriva accompagnée de son copain et moi de ma valise. Présentations rapides et sourires crispés, « Bon, on se dépêche, l’embarquement débute ! » La semaine à New York combla tous mes espoirs et mes rêves les plus fous, j’ai déjà abordé ici l’aspect touristique, je n’y reviens pas. 

Jusqu’à ce dernier jour. L’avion repartant le samedi, cette journée ne comptait pas, le vendredi serait donc notre jour ultime. Aucune surprise, rien de nouveau, tout était écrit depuis longtemps avant même que nous partions de France. Durant ces quelques jours ici, nous avions enfoui au plus profond de nous cette échéance, nous consacrant uniquement à la découverte de « la ville qui ne dort jamais ».

Il avait fait beau tout le temps, mais ce vendredi une sorte de bruine tombait sur New York, accentuant notre malaise. Il fallait absolument bouger pour ne pas nous laisser envahir par ce blues poisseux, visite de Grand Central Station, la gare ferroviaire de New York. Derniers achats avant notre départ, un tee-shirt au Hard Rock Café pour moi et une salopette en jeans pour Sandrine. L'après-midi, nous allons au cinéma voir le nouveau Schwarzenegger, "Last Action Heroe" qui ne sortira qu’à l’automne à Paris.

Enfin le soir, la guigne totale, le pompon en somme. Nous allons dîner dans un restaurant de South Street Seaport, mais c’est une catastrophe, ce n’est pas bien bon, c’est très cher et j’ai voulu tester la Root Beer, c'est à hurler d'horreur, on croit boire une pommade pour massage musculaire ! Si on peut imaginer une chose comme celle là. Dehors, il pleut carrément, inutile d’envisager une balade nocturne à pied, un cab jaune et direction l’hôtel. Tout est triste et s’achève sur une note stupide.

Je n’ai plus eu de nouvelles de Sandrine, New York est restée New York tout en évoluant constamment et moi égal à moi-même, je me souviens, parfois.