Les frites

Il n'est pas aisé de cerner le moment où ça a commencé car bien entendu ce n'est pas arrivé d'un coup d'un seul, ça s'est fait petit à petit comme toujours. Personnellement j'ai commencé à en prendre conscience il y a deux ou trois ans, peut-être plus, tout va si vite désormais. A la cantine quand le menu ne me satisfaisait pas j'avais l'habitude de me rabattre sur un steak haché avec des frites jusqu'au jour où j'ai constaté que les frites laissaient à désirer. J'ai pensé que cela venait de la cuisson, j'aime qu'elles soient dorées, bien salées et bien croustillantes mais à la cantine il faut tomber pile au moment où la fournée est parfaite, s'il y a trop de demande le cuistot les sert pas assez croustillantes, à l'inverse elles risquent d'être trop cuites ou froides.

Pourtant mêmes les frites parfaitement cuites ne me régalent plus car osons le dire, ces frites n'ont plus le goût de la pomme de terre ! D'ailleurs elles n'ont aucun goût pour être plus précis. Conséquence j'ai rayé les frites de mes repas à la cantine. Diététiquement ce n'est pas plus mal me direz-vous, mais si on ne mange plus de frites à la cantine c'est tout un monde qui s'écroule. Cantine et frites sont quasiment synonymes dans l'esprit populaire et dans nos mémoires collectives.

Mais il y a pire encore, non seulement la cantine propose des frites immangeables mais je retrouve ce travers dans de nombreux cafés restaurants ou brasseries. Partout ou presque, la frite est devenue dégueulasse. A l'heure où presque plus personne ne fait de vrais frites chez lui, j'entends par là des pommes de terre qu'on épluche soi-même, taillées en bâtonnets et plongées dans un bain d'huile comme ma maman les faisait au siècle passé, l'amateur ne sait plus où tendre son assiette.  

A qui la faute ? Aux talibans du fitness imposant leurs règles du manger sain, aux lanceurs de fatwa contre les régimes riches en graisses saturées ? Ou bien la frite n'est-elle que le symbole d'une société qui ne connait que la vitesse, on achète des frites toutes prêtes en sac plastique, de la patate industrielle congelée, taillée en bâtons, emballée sous vide qu'on peut réchauffer au micro-onde. Bien sûr on s'évite la fameuse corvée de pluches mais si c'est pour bouffer ces bâtonnets jaunâtres sans goût, je préfère me passer de ces pommes de terre qui n'en n'ont que le nom. S'il nous fallait un coupable, on pourrait citer McCain, mais ce ne sont pas ceux qui en parlent le plus qui ont raison !