L’œil et l’oreille

Dans le numéro de Rock’n Folk de juin dernier, on pouvait lire cette déclaration péremptoire de Ian Gillan, chanteur du groupe Deep Purple, « Aujourd’hui beaucoup de gens écoutent la musique avec les yeux ». Bien entendu cette pique était adressée à You Tube et à la tendance pour les nouveaux artistes, à poster une vidéo sur le web pour promouvoir leurs talents. Avec cette question en filigrane, pourquoi montrer ce qui doit, normalement, être écouté ? Et sa réponse implicite, parce qu’à montrer des filles dénudées s’agitant sur des rythmes syncopés, le spectateur s’intéressera plus aux formes qu’au fond, c'est-à-dire plus aux fesses et aux nichons qu’à la musique proprement dite.

Réflexion de vieux crouton penseront certains. Aveuglement d’ancien, dépassé par les technologies modernes, diront les mêmes. J’étais moi aussi enclin à penser comme Ian Gillan, lorsque cette semaine je suis tombé sur un article dans Courrier International. 

Une chercheuse américaine en psychologie à l’University College de Londres, a demandé à des sujets de prédire l’issue d’un concours de musique classique. Contre toute attente, les cobayes ayant visionné les vidéos muettes ont été bien plus nombreux à déceler le vainqueur, que ceux n’ayant eu accès qu’au son de la prestation ! Le groupe de testés, composé de novices et musiciens professionnels, prouverait que l’œil joue un rôle fondamental dans le jugement musical, d’après cette étude. Pourquoi, vous demanderez-vous ? Parce qu’à travers les mouvements des musiciens transparait l’essentiel, à savoir la passion.   

Tout en se caressant le bouc d’un air songeur, le vieux crouton n’a pu se retenir d’éclater d’un rire satisfait. Ainsi donc, l’avenir des groupes de rap (mais chacun peut modifier le terme selon ses goûts) pourrait passer par des vidéos muettes ? Soudain l’avenir s’annonçait moins sombre que prévu.