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29/05/2007

La fête des voisins

C’est aujourd’hui la fête des voisins, pas de mes voisins en particulier, mais de nos voisins à tous selon le désormais connu principe qui consiste à se réunir dans le hall de l’immeuble, car dehors sur le trottoir avec le temps qu’il fait ce serait intrépide. Ca permet de se connaître, c’est la convivialité, c’est moderne. Chacun apporte son plat préféré, c'est-à-dire que tout le monde viendra avec un saladier de taboulé et un paquet de Chips « Pour ceux qui n’aiment pas le taboulé ! » a précisé la dame du second. Le type du quatrième, le célibataire qu’on ne croise jamais dans l’escalier, est venu avec une bouteille de vin rouge qu’il ne lâche pas et ne sert chichement, que ceux qui en réclament. C’est le couple du rez-de-chaussée dont le mari est très bricoleur, si l’on en juge par sa perceuse électrique qui geint tous les week-ends, qui a installé une grande table avec une porte renversée sur deux tréteaux et un grand drap, celui du lit du fils qui est en stage en province. Quelques chaises pliantes sont prévues pour la vieille dame du premier qui a promis de venir dès que son émission « Des chiffres et des lettres » sera terminée et son voisin qui ne se plaint plus de sa jambe depuis qu’on lui a retiré un rein. Les gamins ont déjà investi les lieux depuis belle lurette et profitent de leur relative liberté d’action pour tenter de crocheter les boîtes aux lettres, sinon ils renversent leurs verres de soda sur le linoléum ce qui crée des mares gluantes qui nous collent aux godasses. « Tu vois René, si tu étais descendu en chaussons dans quel état ils seraient ? » tance discrètement son mari, une dame d’un certain âge que je n’avais jamais vue auparavant. Les conversations vont bon train, on échange des recettes de flan aux courgettes contre des adresses de dépositaires de pelotes de laine, quand un branle-bas dans l’escalier attire notre attention. C’est la rouquine du quatrième qui arrive, tout affolée et dépoitraillée, tentant sans gros efforts de maintenir fermé son peignoir d’intérieur. « Est-ce qu’il y aurait un homme bricoleur ? J’ai des cookies aux four, je me suis risquée sur le palier pour vérifier si la fête était commencée et la porte s’est refermée. Je n’ai pas mes clés. » La dame du rez-de-chaussée, vous savez, celle dont le mari a une grosse perceuse, lui jette un regard furibard et parfaitement clair qui l’expédie vers son appartement « chercher un tire-bouchon ». Le couple du troisième gauche, des gens de couleur « mais parfaitement respectables » me susurre un voisin non identifié, a apporté une spécialité de leur pays dans un récipient plastique compatible micro-onde et congélateur. « Vous verrez, ça se mange sans faim » déclare la dame en posant le plat sur la table. A voir les yeux atterrés de l’assistance, ils vont avoir des restes pour la semaine. Vers vingt-deux heures, quand le vieux chien qui habite au rez-de-chaussée s’est aperçu que la chatte d’une voisine du second était descendu elle aussi participer à la sauterie, la soirée a commencé à dégénérer. Le hall n’est pas bien grand, en tout cas il n’a pas été conçu par les architectes pour qu’on y tienne banquet, alors quand les animaux se sont mis à se courser, encouragés par les gamins qui trouvaient là une nouvelle occupation, nous avons décidé de plier bagages, incités il est vrai aussi, par le locataire du quatrième droite, un illuminé notoire qui hurlait de son appartement « qu’il allait descendre avec son fusil si nous n’arrêtions pas notre bordel ». Ce fut le mot de la fin, chacun retourna dans ses pénates, qui avec son saladier vide, qui avec sa chaise pliante. « Bonsoir chez vous ! » « Bonsoir madame… » Ma phrase resta en suspens car je ne savais toujours pas le nom de la dame d’un certain âge, la femme de René.