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07/01/2008

Le square Montholon

Comme vous avez pu le lire dans un épisode précédent, quand j’étais gamin, le jeudi j’allais au patronage. J’avais aussi un autre terrain de jeux, un square parisien typique, le square Montholon situé à quelques centaines de mètres de la rue Richer où j’habitais. Clos de grilles vertes et de haies de buis, une grande pelouse centrale où poussait un grand chêne, quelques massifs de fleurs, un bac à sable où les mamans se regroupaient pour papoter tout en gardant un œil sur leurs marmots qui s’y vautraient, alors que la nuit tombée les chats venaient y chier. Des bancs de bois difformes mais accueillants étaient occupés par des petits vieux lisant le Parisien ou l’Aurore, d’autres par des femmes lancées dans des tricotages sans fin. Pigeons et moineaux se pressaient aux pieds des uns et des autres avec espoir ou bien s’envolaient dans un tumulte d’ailes quand un gamin passait en courant dans l’allée. Le garde en uniforme  quasi militaire faisait sa ronde d’un air débonnaire, tandis que la chaisière rançonnait le promeneur las, installé dans une chaise en métal. L’occupation des bancs était gratuite, mais pour les chaises il fallait payer, si mon souvenir est bon. Avec les copains nous avions rendez-vous dans une allée excentrée et relativement calme pour jouer au Tour de France. Après nous être assurés que la chaisière n’était pas dans le coin, l’un de nous empruntait une chaise par son dossier et la traînait sur le sol, l’assise raclait le sable de l’allée créant une route en creux, dont le parcours sinueux et en boucle était dessiné à l’unanimité de tous. Pour compliquer la chose, avec du sable nous construisions une colline au milieu de cette route. Le terrain était bientôt prêt. Entre temps, sur le chemin entre la maison et le square, j’avais ramassé dans le caniveau près d’une terrasse de café, les capsules de bières que le garçon d’un geste habile du poignet y expédiait quand il débouchait la bouteille d’un client. Riche de ma collecte que j’étalais au sol, nous y puisions chacun, celle qui nous représenterait sur le parcours de ce que nous nommions Tour de France. Ensuite, avec une bille en terre, chacun notre tour, d’une pichenette étudiée, nous expédiions notre coureur le plus loin possible. La capsule déposée à l’endroit où la bille s’arrêtait, symbolisait notre position. Les moqueries et les encouragements fusaient. « Vas-y Bobet ! » « Charly Gaul est pas en forme aujourd’hui ». La journée s’écoulait ainsi, paisible. Quand arrivait l’heure du goûter et que la petite bande se dispersait, parfois si on avait quelques pièces, nous allions au kiosque à l’entrée du square, là une foule de gosses se pressait pour y acheter des Mistral (un sachet de poudre sucrée dans lequel on verse de l’eau pour obtenir une boisson légèrement gazeuse), des rouleaux de réglisse et divers bon-becs. Avant de rentrer, je n’oubliais pas de me débarbouiller à la fontaine publique et d’épousseter le sable de mes vêtements.     

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