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17/10/2010

Balzac : La peau de chagrin

101017 Peau de chagrin.jpgC’est un téléfilm diffusé par France2 il y a quelques semaines à peine qui m’a donné l’envie de me replonger dans ce classique de la littérature française. Si le thème « fantastique » nous est familier à tous, rien ne vaut la lecture du texte qui bien entendu dépasse ce simple aspect pour le reléguer au second plan – tout le contraire de l’adaptation filmée qui par essence ne peut montrer que ce qui se voit.

Honoré de Balzac (1799-1850) a 31 ans quand paraît son premier chef-d’œuvre La peau de chagrin qui sera suivi l’année suivante du Colonel Chabert, premières pierres de la longue litanie de près de 90 romans et 2000 personnages qui constitueront La Comédie Humaine.

Ruiné par le jeu et à deux doigts de se suicider, Raphaël de Valentin achète à un vieil antiquaire un talisman, une peau de chagrin aux pouvoirs magiques. On appelle chagrin, un cuir grenu en peau de chèvre ou de mouton utilisé en reliure, ce qui ici constitue une sorte de jeu de mot entre la matière et l’effet obtenu. La peau réalisera tous ses vœux mais en contrepartie, représentant sa durée de vie, elle rétrécira d’autant à chacun de ces désirs comme lui explique le vendeur « Après tout, vous vouliez mourir ? hé ! bien, votre suicide n’est que retardé… ». Raphaël va se jeter dans le luxe et la débauche contaminé par une fièvre du toujours plus qui le mènera inéluctablement vers le tombeau.

Le roman est composé de trois parties distinctes, « Le talisman » nous présente Raphaël au bord du suicide, l’acquisition de la peau de chagrin, le premier souhait exaucé qui le mène à un grand dîner organisé par un banquier lançant un nouveau journal ; « La femme sans cœur » Raphaël nous raconte sa vie, sa chambre minable louée à la pauvre Mme Gaudin et sa fille Pauline où il écrit son grand œuvre, sa rencontre favorisée par son ami Rastignac avec Foedora, une courtisane, sa vie de débauche, les dettes et la misère, son souhait exaucé et la peau qui rétrécit ; « L’agonie » Raphaël et Pauline devenue riche à son tour se retrouvent et s’avouent leur amour, le temps du bonheur total, la peau qui s’amenuise jusqu’à l’issue fatale.

Balzac utilise l’aspect du conte – le talisman magique – mais déjà il nous montre son époque (ou la notre ?) faite d’égoïsme (Raphaël en fait ne pense qu’à lui, Foedora n’existe que pour elle-même), où l’argent est le sang qui fait vivre la cité. L’écrivain invite l’esprit de Molière quand il raille les scientifiques et médecins ne pouvant expliquer ni le mystère de la peau, ni la maladie de son propriétaire et l’on retrouve son style fait de phrases riches en descriptions ou précisions sur les dernières découvertes scientifiques de son époque.

Néanmoins on ne sait pas vraiment ce que Balzac a voulu dénoncer ici, l’excès de la passion chez l’homme ou la puissance du désir ? « Vouloir nous brûle et pouvoir nous détruit ». A moins qu’il n’ait voulu montrer tout simplement, à travers ses personnages, la naissance d’une société égoïste.

Enfin j’en terminerai avec une question primaire mais non moins essentielle à mes yeux. Quand Raphaël est presque arrivé au terme de son existence, pourquoi ne fait-il pas un dernier vœu, celui de continuer de vivre ? La situation aurait alors été troublante et paradoxale puisque le talisman pouvant encore exaucer le souhait aurait du sauver le jeune homme, mais par contre étant le dernier vœu exaucé, la peau réduite à rien devait conduire son propriétaire à la mort ! Je suppose qu’il aurait fallu écrire un autre livre et celui-ci dans une collection de Science-Fiction.

« - Hé ! Hé ! S’écria-t-il en pensant tout à coup à son talisman qu’il tira de sa poche. Soit que, fatigué des luttes de cette longue journée, il n’eût plus la force de gouverner son intelligence dans les flots de vin et de punch ; soit qu’exaspéré par l’image de sa vie, il se fût insensiblement enivré par le torrent de ses paroles, Raphaël s’anima, s’exalta comme un homme complètement privé de raison. – Au diable la mort ! S’écria-t-il en brandissant la Peau. Je veux vivre maintenant ! Je suis riche, j’ai toutes les vertus. Rien ne me résistera. Qui ne serait pas bon quand il peut tout ? He ! Hé ! Ohé ! J’ai souhaité deux cent mille livres de rentes, je les aurai. Saluez-moi, pourceaux qui vous vautrez sur ces tapis comme sur du fumier ! Vous m’appartenez, fameuse propriété ! Je suis riche, je peux vous acheter tous, même le député qui ronfle là. Allons, canaille de la haute société, bénissez-moi ! Je suis pape. »

 

101017 Balzac.jpgHonoré de Balzac  La peau de chagrin  Pocket