Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

30/10/2013

Ces deux-là

Comme une légende familiale, l’évènement revient souvent dans nos conversations toujours amorcées par le devenu rituel « Qui aurait dit pour ces deux-là ? ».

Lui, calme et impassible n’était qu’une ombre dans notre grande maison. Toujours à nos côtés mais tellement discret en même temps qu’on n’y faisait plus attention. Bien sûr il n’aurait pas fallut oublier l’heure des repas, car il ne se serait pas gêné pour nous la rappeler. Mais pourquoi le lui reprocher, une bonne hygiène de vie et des horaires réguliers garantissent une bonne santé. Du coup, la maisonnée s’était alignée sur ses principes. De belles promenades à travers prés et champs, des repas à horaires fixes, de longues nuits de sommeil et de courtes siestes, voilà ce qu’était devenues nos vies, réglées comme papier à musique par le maestro qui lentement mais sûrement avait pris les commandes de nos existences. 

Il aurait pu en aller ainsi, jusqu’à ce que l’un de nous disparaisse. Statistiquement parlant, nous avions l’avantage mais nous ne nous en réjouissions pas pour autant car l’idée de le voir nous quitter nous plongeait dans le plus profond désespoir. On pouvait s’en rendre compte quand – mais c’était très rare –  il avait un pet de travers. Tous de s’interroger, « il n’a pas mangé ? », « il ne veut pas sortir faire un tour ? » et nos visages sombres trahissaient notre inquiétude. Alors, dès qu’on l’entendait s’agiter dans le couloir conduisant à la porte de sortie, impatient de retrouver l’air vif de l’extérieur, le sourire nous revenait, le bonheur de nouveau s’installait à la maison.

Quand elle est arrivée, contre notre volonté, nous avons bien crû que la douce quiétude de notre confort douillet allait exploser. C’est une voisine qui nous l’a confiée à l’issue d’une très longue discussion, où il était question de parents écrasés par un chauffard, de frères et sœurs trop nombreux et autres arguments pleurnichards. Je crois bien que nous avons accepté, plus pour voir la voisine repartir avec ses sanglots que pour réellement venir en aide à la petite Chloé. Ah, oui, elle se nomme Chloé.

Je mentirais si je disais que nos vies n’ont pas été bouleversées. Elle est toute jeune, il faut s’occuper d’elle en permanence, veiller à ce qu’elle ne fasse pas de bêtises et dieu sait si elle a de l’imagination. Il y a les repas aussi, elle ne mange pas comme nous, il faut toujours prévoir d’avoir de quoi la nourrir. Mais tout cela c’est du détail. Notre inquiétude était ailleurs. Nous ne l’avions pas prévenu et de le mettre devant le fait accompli, nous angoissait un peu il faut savoir le reconnaître.

Dès son retour de promenade nous nous sommes jetés à l’eau. D’ailleurs, il ne pouvait en être autrement, il s’en serait bien rendu compte tout seul, il sait tout ce qui se passe dans la maison. Dans le grand salon, Chloé jouait sur le tapis et nous étions assis dans le canapé, nous émerveillant devant ses galipettes souples mais pataudes, quand il est entré de son pas lent et traînant. Le suspense était intense.

Il a secoué la tête, reniflé bruyamment et il s’est approché. La petite l’a regardé, interloquée devant sa masse et alors qu’il se penchait vers elle par curiosité, Chloé d’un bond s’est juchée sur sa tête, cramponnée à ses oreilles et sa truffe. Lui, surpris, s’est redressé et durant une seconde qui nous a semblé une éternité, nous avons craint le pire.

Mais la magie a opéré. Il s’est affaissé maladroitement, prenant garde à la petite, et vautré sur le tapis à son tour, il l’a laissée le découvrir jusqu’à ce qu’elle trouve sa place et ronronne de plaisir. Depuis ce jour, ces deux-là sont inséparables et nous ne nous lassons pas de les regarder vivre leur bonheur.

 

131030 Ces deux là.jpg

 

07:00 Publié dans Nouvelles | Tags : chiens, chats, bonheur | Lien permanent | Commentaires (2) |  Facebook | | |