Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

27/01/2011

Exotisme facile

A la recherche de mots rares ou peu usités qui enrichiront mon/notre vocabulaire, c’est vers les déserts d’Afrique du Nord que je me suis laissé entraîner de mon plein gré quand j’ai retrouvé dans mon grenier quelques potiches en terre cuite rapportées d’un ancien voyage. Tandis que je les époussetais pour éventuellement leur trouver une place décorative dans mon appartement, un léger bruit à l’intérieur de l’une d’elle attira mon attention, la retournant d’un geste vif, un minuscule morceau de parchemin tomba au sol. Il était déchiré, l’encre délavée à peine lisible mais étrangement, écrite en français. Je vous livre ici, ce que j’ai réussi à décrypter de ce texte :

« Les dunes du désert frémissent sous le vent du soir, le sable se dresse en nuages tourbillonnants devant la caravane qui se traîne comme une procession de chenilles, chaque maillon identique et pourtant différent. Le ciel est immense, la mer de sable infinie et le soleil exténuant, pourtant la troupe poursuit sa route à travers l’étendue nue qui n’en finira jamais dirait-on. 

Indifférents aux affres des hommes, les dromadaires posent leurs larges pattes l’une devant l’autre avec la régularité du métronome, ils ploient sous la charge mais n’en continuent pas moins d’avancer, fidèles à leur réputation de vaisseaux du désert. Dix hommes et douze bêtes partageant les mêmes souffrances, endurant le même calvaire. Les hommes n’ont pas vraiment choisi ce qui leur arrive, quant aux bêtes personne ne leur a demandé leur avis à supposer qu’elles en aient un.  

Il y a deux lunes à peine, ces hommes étaient encore de riches marchands du royaume chérifien, le père et ses cinq fils constituaient un clan de redoutables commerçants, habiles dans les négociations autant qu’intrépides dans les expéditions, ils étaient redoutés pour leur puissance économique, écoutés pour leur sagesse, consultés pour leurs connaissances illimités. De leurs voyages aux confins de l’Orient ils rapportaient des richesses matérielles autant que spirituelles, de la soie et de l’ambre, des livres et des cartes géographiques. Ce soir pourtant, ce sont six commerçants déchus et quelques serviteurs qui fuient vers l’horizon, lestés de leurs maigres bagages.

Derrière la file des camélidés résignés qui se hâtent vers les régions peu fréquentées du sud du pays, un serviteur zélé tâche tant bien que mal de maintenir dans leur sillage une paire de bourricots chargés de vivres et d’eau en leur parlant le langage convainquant de la courbache (1). Emmaillotés comme des poupées de chiffons dans leur gandoura et leur burnous, les hommes n’ont qu’une idée en tête, franchir les monts de l’Atlas au plus vite, échapper au territoire du Sultan et par-là même ne plus être la cible du dahir (2) qui les condamne à la ruine et les contraint à l’exil.

Ne jamais faire confiance à une esclave Nubienne répétait souvent mon père qui avait beaucoup vécu. Pourquoi n’avais-je pas … »

Le texte s’arrêtait ainsi, j’ai eu beau vérifier dans les autres pots, nulle suite à cette histoire qui s’annonçait passionnante autant qu’exotique. Je reconnais que cela est frustrant au possible, j’ai tenté des recherches sur Internet mais sans noms propres ou dates, c’était comme retrouver un grain de sable dans le désert.  

 

(1)    Courbache : Nom féminin. Long fouet utilisé en Orient

(2)    Dahir : Nom masculin. Décret du sultan du Maroc.