Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

25/01/2011

Apple pie

La journée commençait bien pour Harry. La cafetière solaire avec minuterie s’était déclenchée depuis peu et le café répandait son arôme dans toutes les pièces de la maison. Harry se leva de son water-bed entièrement relaxé. Une petite flaque d’eau au pied du lit lui fit regretter, un court instant, son achat en solde. Il faudra qu’il colle une rustine, une de plus. Pourvu qu’il lui en reste.

Il dégusta son café avant de passer dans la salle de bain. Après s’être lavé les dents avec la brosse électrique, rasé avec le rasoir électrique lui aussi, il prit une douche sèche. Ce vieux système de douche à rayons, éliminait toutes les particules de saleté tout en parfumant le corps. Il n’avait plus qu’à enfiler sa combinaison synthétique et faire son petit tour, comme tous les matins.

Dehors le temps était superbe, un soleil noir plongeait le décor dans une lumière irréelle, le ciel était d’un gris plombé et aucun nuage n’en venait troubler l’immobilité apparente. Harry ajusta ses lunettes qui lui permettaient d’éviter les ultraviolets. Aucun bruit alentour, le calme pesant, la sensation de vide habituelle, tout était normal comme chaque jour.

Il se déplaçait lentement à travers la végétation, si l’on pouvait appeler ainsi cette maigre verdure qui poussait dans la région. Il se rappelait des documentaires vus autrefois à la télévision, sur les déserts d’Afrique australe. Finalement il n’était pas dépaysé, mais il n’y avait rien à tirer de cette nature inhospitalière mais non hostile. La vie aurait été pénible pour n’importe qui, mais Harry d’un caractère renfermé et solitaire ne s’ennuyait pas. Au contraire !

En plus des nombreux bouquins qu’il avait avec lui, il se passait des disques ou des DVD à longueur de journée. Le seul problème c’était la nourriture qui finirait bien par manquer tôt ou tard. Mais d’ici là, il lui restait bien de quoi tenir pendant huit ou neuf mois. Après on verrait …

De toute façon, cette bonne blague en valait la chandelle ! En effet quand il avait acheté cette vieille fusée dans un rebut de la NASA et qu’il l’avait retapée pendant tous ses week-ends, dans son garage, il ne se doutait pas du dénouement de l’histoire. Il se remémorait les engueulades perpétuelles avec sa femme, comme quoi il passait sa vie dans son gourbi avec sa foutue ferraille, au lieu de la sortir, elle !! C’est vrai quoi, ils auraient pu aller au drive-in le samedi soir, puis boire une bière dans un bar topless, pour faire plaisir à Harry. Mais non, même  ça ne l’intéressait pas.

Seule sa fusée comptait pour lui. Elle était moche comme tout cette fusée, alors qu’elle Molly était encore présentable. C’est du moins ce qu’elle lisait dans le regard torve du pompiste de la station Mobil Oil où elle faisait le plein d’essence régulièrement.

Ce jour-là quand Molly plus énervée que d’habitude l’envoya se faire voir ailleurs s’il ne venait pas manger le délicieux apple pie qu’elle avait préparé rien que pour lui, Harry sut que le grand jour était arrivé.

Quand il enclencha la manette START sur le tableau de bord, il aurait payé un million de dollars pour voir la tête de Molly, toute seule dans sa cuisine devant son apple pie. Un gâteau qu’il détestait, mais le seul qu’elle sache faire, alors dans les premiers temps de leur mariage il avait été indulgent et patient. Mais après douze ans, son apple pie il en avait plus qu’assez.

Maintenant il en riait encore, seul sur cette planète inconnue.