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25/04/2010

Le passage à niveau

C'était l'époque bénie de ma tendre enfance quand nous traversions la France en voiture, mes parents et ma petite sœur, vers notre lieu de villégiature pour les vacances. Bretagne, Landes, Savoie, que sais-je ? Chaque année la destination était différente, mon père adorait conduire ses Peugeot sa marque de prédilection. Disons que c'était l'époque de sa 203, noire, effilée avec des flèches sortant de la carrosserie quand il voulait indiquer qu'il tournait à droite ou à gauche, vous voyez cela ne nous rajeunit pas.

Les autoroutes n'existaient pas, au mieux vous aviez les routes nationales comme la bien connue n° 7 qui descendait vers le Midi. Il y avait ceux qui partaient en vacances en voiture et ceux qui prenaient le train. Parfois nos chemins se côtoyaient, la route suivant les aléas du paysage suivait en parallèle le trajet de la voie ferrée. Quand par bonheur un train nous escortait (ou l'inverse) pendant quelques kilomètres, pour nous gamins à l'arrière de l'auto c'était une distraction appréciée. Nous faisions des signes aux passagers sagement assis derrière les vitres et eux-mêmes nous les renvoyaient en agitant leurs mouchoirs. A cette époque, les mouchoirs étaient en tissu, grands comme de petites serviettes à dessert, agiter un tel morceau avait de la gueule. Qui aurait l'idée aujourd'hui de secouer son kleenex au vent ? Bien sûr le train filait et nous distançait, disparaissant derrière des arbres ou des collines ne laissant subsister que son panache de fumée emblématique des locomotives à charbon.

Il arrivait aussi que la route et le rail rompent leur parallélisme et se croisent. Les passages à niveaux étaient une attraction là encore. Toujours la voiture cède le passage, telle est la règle. Respect de l'ancienneté ? Priorité à la vitesse de la grosse machine crachant et soufflant ? En tout cas, les barrières rouges et blanches s'abaissaient et les voitures s'arrêtaient pour laisser passer le convoi ce qui autorisait les passagers à prendre un petit air de supériorité condescendante, revanche du piéton sur l'automobiliste, alors qu'ils filaient sous nos yeux. Sous le chaud soleil de l'été, la 203 immobilisée n'était plus refroidie par le vent s'engouffrant par les vitres entrouvertes et nous nous impatientions de la lenteur exaspérante du relevé des barrières jetant un œil noir à la brave dame sortie de la sombre fraîcheur de sa maisonnette pour actionner le mécanisme de fermeture et d'ouverture du passage à niveau. Quand enfin la route nous était rendue, les voitures repartaient en trombe pour ventiler les passagers rougeauds tandis que nous, enfants, espérions secrètement rattraper ce train par une longue course poursuite.

De nos jours les passages à niveaux ont presque tous disparu ou du moins tendent à disparaître car ils sont bien souvent sources d'accidents, remplacés par des ponts ou souterrains, voire déviations de routes. Les gardes barrières, ces concierges des routes comme ceux des immeubles se sont reconvertis, ne restent que leurs petites bicoques charmantes, souvent abandonnées, ultime trace de leur existence passée.

A Marly-le- Roi nous avons encore un passage à niveau en service, automatisé bien sûr. La mairie a lancé depuis plusieurs années un grand plan de concertation entre la SNCF, l'Etat et les habitants pour aménager la zone et la rendre plus sécurisée. Pour l'heure la solution la moins onéreuse est envisagée,  savoir une réorganisation des feux de circulation dans le quartier. Quant à la maisonnette inoccupée, il est prévu depuis peu qu'elle soit réaménagée en logement social.    

 

Garde barrière.jpg