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12/06/2014

In the pocket

Que j’étais bien alors. Au chaud, douillettement installé, dans cet espace étroit certes mais qui constituait tout mon monde connu. Si la notion de durée m’était inconnue, je vivais au jour le jour – autre concept m’échappant – dans une douce béatitude.

La vie aurait pu s’écouler ainsi éternellement. Je mangeais, je dormais et parfois je mangeais encore avant de me rendormir, doucement bercé par des mouvements d’origine inconnue, mais toujours plein d’amour, j’en avais l’intime conviction. Finalement ça n’a pas tant duré que ça. Un jour, j’ai senti de perceptibles signes, des tressaillements ou des contractions, comme une poussée cherchant délicatement à me contraindre à bouger ; impression corroborée pendant plusieurs jours encore quand j’ai découvert une présence à mes côtés, s’approchant puis se retirant vers je ne sais où.

Une présence amicale et même plus encore, n’hésitant plus maintenant à me toucher et j’en retirais un plaisir total. Un souffle chaud me caressait le visage, une râpe humide lissait mon poil en me chatouillant un peu. Petit à petit, je prenais conscience de moi. Quand la présence s’éloigna, de mes yeux grands ouverts maintenant, j’aperçu comme une issue lumineuse, un monde extérieur à mon environnement habituel.

Lentement, avec crainte et intérêt, je risquais mon museau vers cette échappatoire tentante. Je ressentis comme un encouragement muet venant des tressaillements étranges qui m’avaient troublé. J’étais arrivé au point de non retour, très doucement, avec délicatesse, j’ai risqué mon nez à travers cette matière douce et chaude qui m’entourait. Aucune résistance particulière, ma tête a émergé et mes yeux éblouis, stupéfiés par ce qu’ils voyaient, ont paralysé ma progression.

Figé par la peur et la curiosité, j’ai dû rester ainsi, accoudé au balcon, à tenter de comprendre où je venais d’entrer. Tout m’était inconnu, les bruits alentours, la brise chaude me caressant le museau, ces êtres vivants sautillant sur leurs pattes arrières. Soûlé par tant de nouveauté, je suis vite retourné dans mon antre. Mais mû par je ne sais quel instinct, sans cesse je revenais à ma fenêtre, chaque fois plus intéressé encore par ce que je découvrais.

Je suis bien vieux aujourd’hui mais j’ai encore en tête ces souvenirs. Alors ne croyez pas mes enfants que je ne sache pas ce que vous pensez, moi aussi à votre âge, j’ai immédiatement su, prémonition ou connaissance atavique, que naître kangourou ne serait pas toujours une partie de plaisir. Mais ainsi va la vie et il faut faire avec.  

 

kangourous,

05:00 Publié dans Nouvelles | Tags : kangourous | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | | |