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08/07/2011

Balades savoureuses

Au début ils ont commencé par faire simple, deux tranches de pain étouffe-chrétien avec au milieu une mince tranche de jambon histoire de donner du goût au pain. Ce n’était pas génial, mais il fallait amorcer la pompe. Pour faire mousser le truc ils l’ont appelé « sandwich », moi je pensais que ça venait de « sand » comme le sable qui craque sous la dent et de « ouiche » comme le borborygme émis quand on commence à s’étouffer, mais bien entendu ils avaient trouvé une explication plus exotique, une histoire de milord Anglais joueur invétéré trop pris pour avoir le temps de manger, des conneries quoi, mais ça a pris.

Après avoir décliné le concept sous toutes les formes les moins imaginables, sandwich à ceci ou à cela, ils ont vite compris qu’il faudrait renouveler l’exploit avec une autre idée. C’est alors qu’on a vu fleurir des marchands de kebabs. Me demandez pas ce que c’est exactement, je n’en ai aucune idée précise, si ce n’est que c’est de la viande coupée en fine tranches et déposées dans une galette roulée en cornet dans lequel on rajoute une sauce (pour les goinfres) et de la salade (pour ceux qui suivent un régime ?). La viande est sur une broche et le serveur la taille avec son long couteau, maintenant si vous vous interrogez sur le morceau de bidoche exposé vous n’avez pas fini d’avoir des problèmes de digestion ; ce n’est pas une cuisse, ce n’est pas un rôti, je serais très curieux de savoir dans quel animal on peut trouver un tel morceau de barbaque ?

Un peu dans le même genre, il y a les falafels. Encore une crêpe roulée en cornet dans laquelle s’empile une masse d’ingrédients mal déterminés, plusieurs légumes méditerranéens cuits, des boulettes de viande et une sauce recouvre le tout, non pas pour faire joli mais pour garder secrète la recette maison très certainement.

Quand j’étais jeune homme, le week-end j’adorais déambuler dans les rues de la capitale, guidé par mon instinct infaillible et mon estomac toujours demandeur, à la recherche de ces spécialités gastronomiques qu’on avale sur un coin de comptoir ou assis sur un banc de square, me réjouissant du spectacle de la rue et maudissant les coulées de sauce toujours prêtes à ruiner ma chemise ou une jambe de mon pantalon.  

Arrivé à ce stade, on peut déjà faire une constatation, les sandwiches il y en a partout alors que les kebabs et les falafels ont leurs territoires dans les quartiers populaires. Il fallait donc imaginer quelque chose pour les plus aisés, ce furent les sushis. Alors que sandwiches, falafels et kebabs s’enfournent dans le gosier à la main sans chichis, se taper des sushis procède du cérémonial.

D’abord il faut entrer dans un restaurant Japonais et l’on sait que le nippon fripon utilise une paire de petits bâtons en guise de fourchette, ce qui déroute beaucoup au début, j’en connais même qui intimidés n’ont jamais osé franchir le seuil de l’honorable commerçant. Supposons que vous entriez, le restaurateur avisé et lassé d’expliquer vous a remis un menu avec des images, comme à l’école maternelle vos premiers livres, afin que vous compreniez ce que vous alliez vous risquer à commander et surtout à ingurgiter. Sushis, makis, les photos en couleurs sont très belles, les prix aussi souvent. J’ai dit que le restaurateur était avisé, vous allez voir à quel point il connaît votre hygiène douteuse, puisqu’il vous apporte une serviette chaude afin de vous laver les mains, mais n’en faites pas trop pour lui être agréable en vous la passant sous les aisselles. Puisque vous êtes là, autant se jeter à l’eau, vous avez opté pour un menu, la soupe miso et une planche qui pourrait servir à découper une entrecôte saignante si nous étions dans le meilleur des mondes, couvertes de paires de sushis de différentes couleurs rangées en ordre de bataille, sur le bord de la planche un petit étron de machin verdâtre et une pile de trucs rosâtres.  Aimablement la serveuse vous a indiqué que la bouteille de sauce noire doit être versée dans la coupelle et qu’il faudrait y faire trempette, du moins j’imagine qu’elle dit quelque chose d’approchant car je ne parle toujours pas le japonais.

La première fois, en général, on regarde discrètement ses voisins de table pour voir comment ils procèdent, partant d’une idée pas réellement brillante qu’ils sont plus qualifiés que vous, mais peut-être est-ce leur première fois à eux aussi ? La soupe, un bouillon léger, vous avez su l’avaler, le bol et la cuillère, c’était un peu comme àla maison. Lessushis, vous avez commencé par les regarder attentivement pour vérifier que le poisson cru était réellement mort, peut-être ? Mais avant toute chose il a fallu en passer par le maniement des baguettes, certains en prennent une dans chaque main, je vous garantis que ce n’est pas du tout pratique ; quand vous avez réalisé votre erreur, le second casse-tête consista à placer deux baguettes entre cinq doigts sachant que l’idée directrice consiste à obtenir une sorte de pince permettant de coincer entre les deux extrémités le fameux sushi que vous commencez à craindre de ne jamais manger. Et il est vrai qu’il ne faut pas trop s’éterniser car la boulette de riz supportant le poisson doit rester ferme pour être préhensible, sinon elle s’écroule en grains dans la coupelle de sauce et là ça commence à ressembler à une porcherie.

Bon, vous avez trouvé le moyen de manipuler vos baguettes, une technique très personnelle et peu orthodoxe certes, mais qui a le mérite de fonctionner ce qui est l’essentiel. Sur le premier sushi vous ajoutez du truc rose et vous trempez votre paquet dans la sauce, là un doute vous assaille, dois-je engloutir le tout d’une bouchée (tapez 1) ou plus délicatement le picorer du bout des lèvres (tapez 2), si vous avez fait le choix deux vous avez compris que c’était une nouvelle erreur qui s’apparente à celle de la trempette. Sur le second sushi, une bonne couche du truc vert (le rose était si doux et parfumé, ces Japonais sont réellement délicats) et gloup ! direct dans le gosier. Si vous portiez une moumoute elle s’est décollée et envolée, vos yeux à bout de nerf optique sont au milieu de la table, si on vous laissait faire vous hurleriez mais la bouche pleine serait-ce raisonnable ? Vous avez déjà bien dégueulassé la table tout à l’heure avec le sushi effrité dans la sauce soja. Le truc vert, c’est du wasabi et ça pique ! (Ces Japonais sont réellement un peuple étrange). Un réflexe évident mais idiot ici, c’est de chercher la corbeille à pain pour atténuer l’incendie, le Japonais ne mange pas de pain, vous en pleureriez de déception si vous n’aviez déjà des larmes plein les yeux. L’important c’est de ne pas se décourager, tout apprentissage en passe par ces phases d’expérimentation douloureuse mais ensuite quelle satisfaction quand possédant tous les codes, vous pouvez faire votre malin sous les yeux admiratifs de vos voisins de table qui n’en sont eux, qu’à leur première fois ! 

Dans un prochain billet, si l’envie m’en prend, j’évoquerai peut-être les pizzerias ou MacDonald, qui sait ?