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07/06/2009

La collection de timbres

Le printemps est propice au grand ménage comme le dit la raison populaire. C'est en vidant des placards avant le jour des « encombrants » que ma femme a retrouvé une ancienne collection de timbres abandonnée depuis bien longtemps. La conserver c'était encombrer son armoire, s'en débarrasser était un crève-cœur. La vue de ces albums m'a rappelé ma propre collection en pension chez mon père depuis, depuis je ne sais combien de temps.

Quand je dis ma collection, je dois préciser qu'il s'agit d'une collection familiale, commencée par mon grand-père puis transmise à mon père qui m'y initia quand j'étais enfant et dont je devins le légataire. Quand on parle de collectionneurs de timbres, il y a un je ne sais quoi de péjoratif, une activité de binoclard solitaire, limite branlette, bref un monde qui indiffère le sportif ou l'actif compulsif de nos sociétés modernes. On voit un type voûté devant sa table, une loupe dans une main et une pince dans l'autre, se pâmant devant une vignette en papier grande comme un ongle, au milieu d'albums en imitation cuir, inquiet du moindre courant d'air qui ferait voltiger dans toute la pièce ses trésors accumulés patiemment. L'image n'est pas entièrement fausse, je l'admets volontiers, mais qui connaît un peu le monde des timbres sait qu'il se cache derrière cette activité, un monde invraisemblable de curiosités et de connaissances.

Quand j'étais enfant, je vous parle d'un autre siècle bien entendu, la télévision balbutiait, la TSF crachotait car nous ne connaissions pas encore les radios FM, en somme le monde m'était complètement inconnu et les moyens de le découvrir réduits. L'une des clés pour en entrouvrir les portes était la collection de timbres. Toutes les sciences et les connaissances y sont représentées. La plus évidente et celle qui me faisait le plus rêver, la géographie. Découvrir un timbre d'un pays qui n'existe plus est un pur enchantement pour un enfant. Je me souviens des timbres de la colonisation française en Afrique, l'AOF ou AEF (Afrique Occidentale Française et Afrique Equatoriale Française), de ceux du Dahomey et du Congo Belge, ou encore du Siam en Asie, pays qu'on ne retrouve aujourd'hui qu'en compulsant de vieux dictionnaires désuets. L'histoire y est aussi à l'honneur, ces portraits de rois et de présidents, ou bien ces héros tombés dans les oubliettes de la mémoire, ou du moins mis de côtés, comme les Mermoz, Clément Ader. Les portes de la curiosité s'ouvraient les unes après les autres, chacune étant prétexte à en ouvrir une autre.

Et que dire de la beauté de certains timbres, ces images réduites de fleurs, d'insectes, d'animaux de tous poils, les extraordinaires séries colorées du Costa Rica ou d'autres pays exotiques. Les reproductions de tableaux ou sculptures célèbres. Toutes ces minuscules vignettes nous permettaient d'approcher le monde des arts et des sciences, toutes ces disciplines où l'homme exerce ses talents. Devant ma table, avec ma loupe et ma pince, je voyageais dans le monde entier, j'entrais dans tous les musées, je mettais en appétit ma curiosité intellectuelle. Aujourd'hui l'extraordinaire Google (oui quand même) casse le rêve, vous tapez un mot (même un mot inventé) et le moteur de recherche vous affiche des centaines de pages de résultats.

A repenser à tout ce bon temps passé dans ma jeunesse à récolter des timbres, par des amis, de la famille, cartes de vacances ou enveloppes que je trempais dans une bassine d'eau pour décoller le timbre qu'ensuite je mettais à sécher entre les pages d'un parapheur, avant de les insérer dans mes albums, délicatement pour ne pas abîmer la dentelure qui préserve la valeur de l'objet, j'ai compris que je me passais d'un plaisir que je pouvais ressusciter.

Du coup, j'ai adopté la collection de timbres de ma femme et j'ai récupéré celle qui était chez mon père. Depuis nous sommes tous heureux, ma femme et mon père car leurs trésors inutilisés ne sont plus abandonnés et moi parce que je me suis trouvé une nouvelle occupation pour ma retraite. C'est qu'il va falloir compiler en une seule collection, deux piles d'albums pleins de timbres. Un boulot de titan pour redevenir enfant.            

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