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12/10/2010

David Lodge : La vie en sourdine

101012 La vie en sourdine.jpgDepuis de nombreuses années déjà, l’écrivain britannique David Lodge nous régale de ses romans délicieusement drôles, de cet humour dont on dit que les Anglais sont maître. Ce bouquin, La vie en sourdine, paru en 2008, n’échappe pas à cette règle. Quoique.  

Le narrateur, Desmond, un professeur de linguistique à la retraite remarié à une femme très active tenant une boutique de décoration très prisée en ville se fait du souci pour son père devenant de plus en plus vieux et vivant seul dans sa maison. Mais, le ressort du roman, ce qui en fait le fil rouge, c’est que Desmond souffre d’une surdité qui s’aggrave de jour en jour. Telle est la vie quotidienne de notre héros qui par un malentendu (c’est le cas de le dire, au propre comme au figuré) va se retrouver embringué à aider une étudiante américaine venue en Grande-Bretagne rédiger une thèse sur les lettres écrites par les suicidés.   

L’écrivain qui lui-même est devenu malentendant connaît bien son sujet et il l’évoque ici avec beaucoup de précisions et de vécu, sans oublier bien sûr son fameux humour qui fait tout le charme de ses écrits. Si comme moi vous connaissez des sourds ou des durs de la feuille, vous apprécierez à leur juste valeur, ces pages où Desmond comprend de travers ce qu’on lui dit, voire ne comprend rien du tout et préfère se retrancher dans sa solitude. Bien évidemment c’est dramatique pour les sourds mais qui n’a jamais souri face à un Tryphon Tournesol aux esgourdes bouchées ? David Lodge joue sur ces deux aspects avec une maestria certaine.

Comme l’auteur n’est pas un scribouillard mais un grand écrivain, son ouvrage ne se contente pas de nous faire rire avec les tracas physiques de son personnage principal. Il y ajoute un rôle secondaire inquiétant et trouble comme cette étudiante qui au début semble anodine, puis qui s’immisce lentement dans la vie de Desmond et dont on sent petit à petit qu’elle est dangereuse, peut-être déséquilibrée. Mais ce qui m’a le plus touché, ce sont les longues pages sur son père. Les visites qu’il se doit de lui faire régulièrement, chaque visite montrant sa déchéance, l’esprit et le corps s’émiettant inéluctablement. Cette description de la vieillesse est magistrale de simplicité et de réalité, quand son père finalement décèdera, j’ai eu beaucoup de mal à retenir mes larmes.

David Lodge nous donne là, l’un de ses meilleurs romans, le plus autobiographique c’est certain et c’est cette vérité qui en fait toute sa valeur. Au-delà de l’anecdote et des trouvailles romanesques, combien de détails de la vie de tous les jours, de nos vies et de celle nos proches qui vont nous « parler » directement. D’une aventure autobiographique, comme je le disais, il fait une œuvre universelle qui nous concerne tous, sans jamais se départir de ce fameux humour qui nous sauve du pathétisme pleurnichard dans lequel tout autre nous eut plongés. Ouvrez grandes vos oreilles : « Il faut lire ce bouquin ! »       

« Elle a eu alors un petit rire nerveux et dit quelque chose d’un air désinvolte où je n’ai compris que l’expression « renifleur de petites culottes ». Quand elle a commencé à expliquer, j’ai compris qu’une fille avec laquelle elle avait travaillé pendant un temps dans un bar lui avait parlé d’un homme qui donnait de l’argent pour recevoir des petites culottes qui avaient été portées mais n’avaient pas été lavées. On les envoie par la poste, enveloppées dans des sacs à congélation, une fois par semaine, et trois jours après on reçoit un chèque. On ne le rencontre jamais. De l’argent vite gagné. « La façon la plus facile de gagner de l’argent à ma connaissance », a-t-elle dit. Mais comme j’avais loupé le début de l’histoire, je ne savais pas si Alex s’était en fait lancée elle-même dans ce trafic ou si elle se contentait d’évoquer l’expérience de son amie. »  

 

101012 David Lodge.jpgDavid Lodge  La vie en sourdine  Rivages