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08/09/2008

Lawrence Durrell : Affaires urgentes

DURRELL.jpgJe n’aborderai pas cette chronique avec des qualificatifs, bien que réels, tels que chef-d’œuvre, grande littérature, style d’écriture, qui parfois effraient certains. Ni même qu’il s’agit d’un excellent livre car il en est qui sont excellents mais tristes et vous laissent au bord de la déprime la dernière page tournée. Non, ici avec ce bouquin nous touchons le jubilatoire, le fou-rire difficilement contenu, la marrade totale. Si vous connaissez PG Wodehouse je dirai que nous sommes dans ce registre et d’ailleurs entre parenthèses, j’espère fermement que vous avez lu Wodehouse et les inénarrables aventures de son majordome Jeeves, un sommet d’humour British. Le livre est découpé en très courts chapitres, tous construits un peu à l’identique, deux diplomates discutent à bâtons rompus dans leur club, alcool et cigare à la main, quand l’un deux évoque une anecdote passée qui est le prétexte pour nous narrer une histoire d’une drôlerie irrésistible. Toutes ces situations cocasses ont pour cadre les ambassades et le métier d’ambassadeur et sont tirées de l’expérience de Durrel dans la profession, encore que parfois ce soit tellement ahurissant qu’on a du mal à croire que ce ne soit pas inventé, car même si le trait est grossi, on atteint parfois une loufoquerie absolue. Il m’est arrivé plus d’une fois en lisant ce roman dans le RER de me retenir pour ne pas hurler de rire. Un livre à lire sans modération, tout excès ne pouvant être que bénéfique. 

Lawrence Durrel est né en 1912 en Inde mais il fait ses études en Angleterre et après la seconde guerre mondiale entre dans la carrière diplomatique qui le mènera de l’Argentine à Belgrade. En 1952 il abandonne tout pour se consacrer à l’écriture et c’est en France qu’il décède en 1990. Son ouvrage qu’il lui vaudra la gloire Le Quatuor d’Alexandrie paraît en 1982 (je vous le conseille fortement aussi) mais est dans un genre tout à fait différent de ces Affaires Urgentes.

« Par bonheur, il n’y avait qu’un canon dans le fort de Belgrade. Il avait pour servant le camarade Popovic, assisté d’une équipe improvisée de Shiptars albanais en bonnet de laine blanche et culotte en peau de bique : redoutable d’aspect en raison de sa grosse moustache et de son physique informe, le Shiptar est une créature tout à fait paisible. Il est à peu près aussi agressif qu’un labrador avec la forte personnalité d’un poisson rouge. Il fallait d’ordinaire environ une semaine à cette escouade pour charger le canon, une relique abandonnée à leur départ par les Wisigoths ou les Ostrogoths, je ne sais plus très bien. Tous les soirs, à l’époque du ramadan, il émettait au coucher du soleil un grondement rauque, tandis que s’envolait dans les cieux un vieux caleçon bleu qui, depuis des temps immémoriaux, faisait office de bourre pour les tirs à blanc. »   

Lawrence Durrell  Affaires Urgentes  Robert Laffont « Pavillons Poche »