Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

15/08/2009

Le cri qui tue

Quand Edward avait acheté son Ipod, son intention première était de s'isoler du monde extérieur et d'écouter de la musique au calme, loin de l'agitation du monde, des conversations crétines de ses voisins de wagon, des cris et borborygmes des adolescents chahuteurs et des quémandeurs et tapeurs de toutes espèces qu'il croisait chaque jour sur son chemin.

Longtemps se fût idéal et il pensa avoir retrouvé la sérénité d'esprit de sa jeunesse, celle du temps où il n'imaginait pas le pire à chaque instant, craignant pour lui ou pour ceux qu'il aimait un malheur qu'il n'aurait su nommer mais qu'il sentait rôder alentour, chaque jour plus proche encore. Cet Ipod faisait des merveilles, couvrant le murmure de ses voix intérieures ; la technologie moderne a du bon parfois se disait-il, son angoisse rangée au placard.

Et puis un jour, tout a recommencé. Discrètement au début, alors qu'il écoutait un air particulièrement entraînant et bruyant grâce à ce diffuseur de musique portable, il crût entendre son nom. Il n'y prêta pas attention mais la voix l'appela de nouveau. Retirant son casque il constata qu'il n'en était rien, personne ne le hélait, agacé il continua son écoute. Le phénomène se reproduisit et aujourd'hui il devient quasi permanent. Il a monté le son de l'Ipod à son maximum, mais la voix est toujours audible, il n'écoute plus que du hard-metal mais à travers le fracas des guitares et les hurlements des chanteurs s'insinue encore et toujours la voix qui l'appelle.

Edward a fui la grande ville et il longe la mer, la voix devenue familière semble plus proche, il sait qu'elle ne va pas se contenter de l'appeler indéfiniment, elle va bientôt lui demander quelque chose, il ne sait pas quoi, mais il sait que ce sera épouvantable. Il s'arrête terrorisé, jette son Ipod à la mer. Silence étourdissant un court instant avant que la voix ne s'adresse à lui, une phrase courte mais désormais il sait ce qu'elle veut. Edward hurle, hurle à s'en crever les tympans, la tête entre les mains.

 

Le cri.jpgEdward Munch : Le Cri, 1893  - huile détrempe et pastel sur carton, 91x73,5 cm - Oslo Nasjonalgalleriet