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30/07/2015

Je ne sais qu’en penser

Le mendiant à demi assommé par la boisson ou l’esprit embué par les années de galère, posté chaque jour devant la porte mon supermarché, me salue quand je passe. Il en fait tout autant avec les autres passants. Pourtant, parfois je le croise dans la ville, lorsqu’il se hâte vers son lieu de quête et là encore, il me salue par un bougonnement indistinct mais dont je devine la teneur, auquel je réponds par un bafouillis couplé avec une mimique signifiant dans notre langage réduit à peu, « Bonjour chez vous ! » Jusqu’à là, rien d’extraordinaire, une preuve de civilité partagée entre inconnus qui se connaissent de vue. C’est ce que je pensais dans un premier temps mais les faits troublants se sont accumulés et d’autres plus anciens revenus en mémoire.

Que ce soit dans ma ville, à Paris ou ailleurs, plus d’une fois je le réalise aujourd’hui, épaves et marginaux divers croisés dans les rues, me saluent discrètement ou m’adressent souvent un petit signe de reconnaissance. Ces gens qu’en général on tente de ne pas voir, par pudeur ou par lâcheté, pour s’éviter des ennuis possibles ou la sempiternelle sébile tendue vers votre porte-monnaie supposé ne jamais s’assécher.   

Hier matin encore, dans l’avenue désertée en cette période estivale, de loin j’apercevais un cycliste zigzagant comme gugusse au cirque venir à ma rencontre. Je ne le connaissais ni d’Eve ni d’Adam, jamais vu ce gogol dans le quartier. Il n’empêche, quand nous nous sommes croisés, il m’a lancé un grand « bonjour ! » comme si nous étions potes de comptoir. Bien élevé, j’ai répondu.

Vous allez me dire que c’est plutôt sympathique tout cela. Certes, certes. Mais moi cela m’inquiète car ça réveille en moi une vieille crainte, que je tente délibérément d’enfouir au plus profond depuis si longtemps. Tous ces types bizarres m’auraient-ils percé à jour ? Leur esprit fatigué et à priori déficient n’aurait-il pas développé, à leur insu, un don de double vue qui leur permettrait de connaitre la nature profonde de ceux qu’ils croisent ? En un mot comme en cent, tous ces tordus qui me saluent, ne me prendraient-ils pas pour l’un des leurs ? Derrière ma physionomie de type quelconque, devinent-ils le mec barjot que je suis réellement ?

Je ne sais qu’en penser, mais ça m’inquiète un peu…