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15/08/2010

Retour de bâton

La saison était favorable au possible, un mois d’août bien chaud, et le lieu absolument parfait, une plage bondée de vacanciers. Les corps nus ou presque jonchaient le sable blanc, exposant les peaux fragiles aux ardeurs du soleil, certains arrivés ici depuis plusieurs jours tendaient vers un caramel naissant alors que d’autres, inconscients, rougissaient comme des homards par plaques inquiétantes autant que répugnantes.

En ce début d’après-midi, peu de baigneurs encore car si la majorité d’entre eux ignoraient les consignes d’exposition aux UV, tous par contre respectaient la règle relative à la digestion complète avant le bain. L’esprit humain est souvent tortueux et difficilement compréhensible pensaient les passagers de la petite barque venue du large et qui s’approchait lentement de la grève.

Les parents assoupis dans leurs transats laissaient leurs bambins construire des châteaux de sable avec la pelle et le seau en plastique de couleur achetés en ville dès l’arrivée sur leur lieu de vacances. Des adolescents frimeurs, lunettes noires et cigarette au bec flirtaient avec des pin-up de banlieue alternant les face, dos, sur leur serviette de plage à l’instar des steaks hachés sur le grill de leur McDo préféré. Rassurés par le calme régnant sur leur royaume, les secouristes dans leur guitoune surchauffée en profitaient pour lire dans le journal local un passionnant commentaire sur le concours de boules de la veille.

La barque s’échoua sur le sable. On n’entendait que le clapotis régulier des vagues troublé parfois par le cri d’un goéland ou le rire lointain d’un adolescent. Une masse d’être humains vautrés au bord de la mer, inconsciente et confiante. « C’est parfait ! » songea celui qui semblait d’être le leader en s’extirpant du canot.

Plus tard, les témoins et les survivants dirent qu’ils avaient mis longtemps à comprendre ce qui se passait, n’en croyant pas leurs yeux, médusés par la surprise autant que par l’horreur. Cinq ou six phoques – les avis divergeaient – avaient débarqué sur la plage, armés de gourdins cloutés et se dirigeant sans hâte vers les corps offerts, le massacre avait débuté, méthodique et professionnel, éclaboussant d’un sang riche en cholestérol les serviettes et le sable de la plage devenue scène de carnage.