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05/03/2008

Ma bibliothèque

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Avec le temps qui passe nous sommes devenus plus intimes et les liens qui se sont créés m’autorisent aujourd’hui à vous faire pénétrer dans mon sanctuaire, dans ce lieu retiré d’où je vous fais parvenir régulièrement de mes nouvelles. Cette pièce pourrait n’être qu’une des chambres de mon appartement si je ne l’avais promue bibliothèque, la plus haute distinction dans l’ordre du mérite pour un espace habitable. Toutefois la scrupuleuse vérité m'oblige à préciser qu’en raison de l’exiguïté des logements modernes, cette même pièce me sert de bureau ce qui, dieu merci, n’en dénature pas la fonction. Deux murs contigus sont couverts de rayonnages faits sur mesure courant du plafond au sol et vice-versa. Les étagères en merisier sont alignées asymétriquement. Le merisier apporte une chaleur cosy à la pièce et l’asymétrie rompt la monotonie des linéaires de livres. Un bureau dans les mêmes tons et un fauteuil en cuir noir garni d’un coussin moelleux complètent le mobilier de cette caverne où l’ours se retire pour des voyages imaginaires. « Je réponds ordinairement à ceux qui me demandent raison de mes voyages : que je sais bien ce que je fuis, mais non ce que je cherche » écrivait Montaigne dans ses Essais . Sur le plus long mural sont classés les romans, par ordre alphabétique de leurs auteurs. Tous les genres sont confondus. D’Apollinaire à Yourcenar les Philip K Dick et Hermann Hess se pressent contre des Dashiell Hammet de poche ou des Jules Vernes aux antiques couvertures vertes et toilées. Des Philippe Djian en collection Blanche de Gallimard se pavanent non loin des James Crumley dans la collection Noire du même éditeur. Les ouvrages, debout, couchés ou inclinés les uns contre les autres, grand format ou poche, se tassent sur les étagères attendant qu’on viennent les déloger pour y relire un passage familier, trouver une citation qui viendra étayer un texte pauvre. Quelques niches sont réservées. Des Pléiades s’alignent belles et austères dans leur cuir et or fin. Des dictionnaires se côtoient pour seconder une mémoire défaillante ou des plumes en suspens. Robert, Littré, Larousse, ils sont tous là dans leurs parures respectables et leurs nombreux volumes en faux cuir. Des intégrales d’auteurs classiques restent à portée de main comme Molière, Racine, Corneille, La Fontaine et tant d’autres illustres. Quelques ouvrages chinés dans les brocantes confèrent un aspect sérieux et bibliophile dans leurs livrées patinées en cuir vénérable. Sur le petit mur, les bouquins sont classés et entassés par genres. Les volumes de voyages racontent les marches à travers les déserts (Monod) , les banquises (Malaurie) , les forêts tropicales (Burton et Speke), le Tibet (Alexandra David-Neel) … Des philosophes de toutes les époques (Sénèque, Emerson, Cioran, Glucksmann) ne laissent guère de place aux ouvrages politiques ou sociologiques et de beaux livres consacrés à la musique rock flirtent avec des manuels consacrés aux oiseaux, aux plantes et aux insectes pour documenter mes randonnées dans la nature. Sur les planches chargées, des bibelots et photos me remettent en mémoire des voyages ou des instants passés de ma vie. Un Bouddha trône devant un exemplaire des pensées de Lao- tseu, une choppe bavaroise cache un roman d’Alfred Döblin, une petite tête d’alligator baille tous crocs à l’air près du Journal du Missouri de JJ Audubon. Terré dans mon antre, entouré de tous ces textes et écrivains mémorables, je suis à l’abri de la bêtise cette bête sournoise qui rôde alentour.