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15/01/2013

On n’en parle pas assez, c’est un tort

On n’en parle pas assez, c’est un tort et cette omerta intolérable va immédiatement être pourfendue ici, puisque j’ai l’intention aujourd’hui, de vous parler des crottes de nez. Ne plissez pas les yeux, il faut regarder les choses en face, ne vous bouchez pas le nez, ça ne sent rien. Vous, moi et ceux qui ne me lisent pas – qu’il leur soit pardonné néanmoins – sommes tous concernés.

D’un strict point de vue médical voici ce qu’en dit un site spécialisé : « Les crottes de nez sont des sécrétions fabriquées par la muqueuse nasale, explique Jean-Marc Juvanon, membre de la Société française d’otorhinolaryngologie. Il s’agit en fait de mucus plus ou moins riche en eau, qui finit par se dessécher et se durcit en leur donnant l’aspect de " crottes ". Le mucus produit par les muqueuses nasales est un fluide clair et visqueux. « Cette sécrétion naturelle est destinée à évacuer par le système mucociliaire, tout ce qui entre dans les fosses nasales. C’est une sorte de « tapis roulant », dont les cellules dotées de cils vibratiles entraînent le mucus vers le fond de la gorge. » Quant à la muqueuse nasale, elle agit comme un véritable climatiseur. Elle réchauffe et humidifie l’air inspiré, tout en le filtrant. » Maintenant vous pouvez remballer tout cela dans le fond de votre mouchoir car comme vous vous en doutez ce n’est pas cet aspect de la chose qui m’intéresse.

Ce que je voudrais, c’est aller au fond et creuser, quitte à faire une boulette et vous choquer à mon corps défendant. Pour éviter cet impair, je vais m’engager sur ce sujet en louvoyant, au pif, en somme.

En général – pour ne pas dire toujours – ça débute quand on est tout petit. La morve nous pend au nez et un parent s’empresse de nous dégorger l’organe avant qu’il ne se répande partout. Mais si l’aide extérieure tarde à venir, la curiosité l’emportant, votre main et parfois les deux pour les plus entreprenants, se met à fourailler dans cette gadoue claire et douce au toucher. Poulot, de la main à la bouche il n’y a pas loin, le goût nous expliquant le monde environnant. Il est à craindre qu’en cet instant, un mauvais pli soit pris.

Quelques années plus tard, cas le plus probable sur lequel sera bâti notre hypothèse, l’hygiène et le savoir vivre vous ont enseigné qu’il fallait se moucher quand ça s’agite dans le tarbouif et ne pas économiser les kleenex quand ça coule carrément. Mais, et c’est là que j’en viens à mon propos initial, il y a cette situation où ça ne coule pas ! Au contraire même, ça s’accroche, ça se cramponne à l’intérieur du pif.

C’est alors que dans un réflexe enfantin, votre doigt va s’immiscer dans votre intimité nasale (je vous reprécise le périmètre exclusif du billet d’aujourd’hui) afin d’explorer puis extraire l’hôte indésirable. Nous n’allons pas analyser toutes les textures et consistances possibles du mucus solidifié, de chacune découlerait une sensation différente qu’il serait trop long de détailler ici. Pour plus de détails je vous conseille l’ouvrage du professeur G. Lagoutoné. Disons simplement qu’il est difficile de nier le plaisir qu’on prend à malaxer tendrement sous la pulpe de son doigt, cette matière molle se prêtant à tous les tripotages. Plaisir interdit théoriquement, donc délicieux.

Le doigt ou l’ongle a délicatement raclé la paroi, pas trop vite surtout, car le summum de la jouissance s’atteint à cet instant précis. Le pic du plaisir coïncide avec le moment de plus grande dangerosité de la manœuvre, celui où un tiers peut vous surprendre. Climax ne supportant pas d’être interrompu car au-delà du bonheur brusquement envolé peuvent s’ajouter des dégueulasseries s’éparpillant sur vos vêtements et doigts au vu et su de celui qui vous surprend. La honte, comme une épée de Damoclès, plane donc sur vous durant l’acte de triturage.

Vous étiez seul, chez vous, dans votre bureau, qu’importe en fait – mais je vous rappelle que dans les transports en commun, être dans ses pensées ne vous exclut pas de la vue des autres, idem dans votre voiture – la crotte de nez est désormais collée sur le bout de votre doigt. Suprême récompense dont vous ne savez pourtant que faire.

Vous en défaire rapidement, comme d’un partenaire sexuel d’un soir n’est pas très élégant, d’un autre côté s’y attacher comme serait encline à le faire la boulette, est assez répugnant. Il faut donc trouver une sortie ménageant les deux parties. Là, il y a plusieurs écoles.

Il y a ceux qui la roule longuement, tendrement oserais-je dire, entre le pouce et l’index jusqu’à ce qu’elle devienne dure puis l’éjectent d’une pichenette vers l’inconnu. D’autres, écureuils dans une autre vie, la collent sous le rebord de leur bureau avec l’idée d’y revenir, souvent ce sont les mêmes qui procèdent aussi de cette manière avec leur chewing-gum d’où des surprises désagréables. Certains examinent avec attention et de très près leur boulette, la mirant à la lumière comme on fait pour les œufs, espérant je ne sais quelle découverte y faire. Il en est qui avalent carrément cette chose inerte et salée partant du principe que rien ne se perd, et que comme ça leur appartient, ils peuvent en faire ce qu’ils veulent. Je connais aussi des pervers qui se curent le nez sans ménagement avec le doigt sans se préoccuper d’être vus, puis planquent la totalité de leur extraction dans leur mouchoir en tissu avant de le ranger précieusement dans leur poche et rapporter chez eux ce butin dont ils profiteront dans la solitude de leur intérieur.  

Chacun sa méthode, chacun sa technique mais quelle que soit votre dextérité, par pitié, ne l’exercez que dans l’intimité, inutile d’exposer à la vue de tous vos talents dont nous n’avons que faire.