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09/10/2008

Une vie de cloche

Aussi loin que je puisse remonter dans mes souvenirs, je n’ai jamais eu qu’une seule ambition, ne rien faire ! Quand on est gamin certains rêvent d’être pompiers ou pilotes de ligne, puis avec l’âge et les études une carrière s’ébauche on termine marchand de légumes ou directeur d’entreprise, moi par contre je n’ai pas varié d’un pouce dans mon rêve, je désire toujours ne rien faire. Contraint et forcé, j’ai bien entendu un job mais ce n’est pas, même si je le trouve agréable, mon occupation favorite. Enfant dans les années cinquante, j’envisageais une carrière de clochard. A cette époque les SDF n’existaient pas, nous n’avions que des clochards. Un feuilleton radiophonique à Radio Luxembourg, les présentait sous un aspect plaisant, « Sur le banc » avec Raymond Soupleix et Jeanne Sourza. Un bitos anachronique, une musette avec un quignon de pain et un morceau de calendos, une bouteille de rouge, leur vie me semblait belle quand elle était jouée avec la gouaille de ces deux comédiens. Dans le même registre, le film de Jean Renoir « Boudu sauvé des eaux » avec Michel Simon me renvoyait la même image sympathique du clochard, un original, indépendant d’esprit, prenant la vie du bon côté et sans chichis. Devenu adolescent, la Beat Generation et les Hippies intellectualiseront le concept mais pour moi il s’agira toujours du même raisonnement, la vie « métro, boulot, dodo » est bien trop triste, cherchons ailleurs des voies de dégagement. A contrario, la lecture d’auteurs comme Steinbeck avec les « Raisins de la Colère » me montrera que la vie des trimardeurs quand elle n’est pas choisie mais imposée par la crise économique est dramatique. Si les hobos chantés par Dylan, ces voyageurs sans bagage qui empruntaient les trains de marchandises pour traverser les Etats-Unis gratuitement, offraient une image romantique au recto, le verso était beaucoup moins plaisant puisqu’ils y laissaient parfois la vie quand un chef de train leur tombait dessus. Les années passant, les clochards ont disparus, remplacés par des hordes de SDF, les individus épars sont devenus une catégorie socioprofessionnelle. A la vérité je ne regrette plus de n’avoir pas embrassé la carrière d’errant professionnel, mais néanmoins je crois, quand elle est sciemment choisie, qu’elle est la forme ultime d’une certaine liberté.