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06/09/2011

L’école de garçons

En ces jours de rentrée des classes, je me souviens de l’école de mes débuts. De la maternelle où jusqu’à mes huit ou dix ans, j’ai fait ma scolarité dans le Paris de la fin des années 50 et plus précisément à l’école de garçons de la rue de la Victoire.

Nous habitions rue Richer, un court trajet pour rallier l’école par la rue du Faubourg Montmartre. Ecole de garçons donc, la mixité n’était pas encore à l’ordre du jour de l’Education Nationale, il me faudra attendre de longues années avant de m’asseoir à côté d’une fille à l’école, d’ailleurs ce sera un lycée. En ces années juvéniles ce n’était pas un problème, les gars avec les gars, les filles avec les filles, il me semblait naturel de ne pas mélanger torchons et serviettes tout comme le faisait maman avec son linge.

Mes souvenirs sont minces et peu chronologiques. Le décor traditionnel n’échappe pas aux lieux communs et mes images mentales renvoient aux photos en Noir & Blanc des grands maîtres de la photographie comme Doisneau ou d’autres aussi connus. La cour de récréation avec quelques arbres (platanes certainement ?), elle ne devait pas être bien grande, car si j’en ai un souvenir d’étroitesse dans la réalité ce devait être pire encore puisque nos souvenirs d’enfant ont tendance à augmenter la taille des choses en raison du fait que nous les voyions avec nos yeux de petits hommes. Un préau bien entendu, pour s’abriter de la pluie durant la récréation. Je ne me souviens pas de jeux durant ce temps de repos, à l’exception des jeux de billes ; j’appréciais particulièrement celui consistant à faire tomber une petite figurine avec une bille lancée d’une certaine distance et la conserver en tant que gain. Par contre je sais que j’y révisais mon catéchisme avec un copain les jours où nous avions enseignement religieux, le soir après l’école.

Dans la classe, la carte de France et le tableau noir, les craies de couleurs et l’éponge immonde imprégnée de poussière blanche des essuyages incessants du tableau par le maître, odeur agaçante. Je dis le maître, car un seul me revient vaguement en mémoire, un grand costaud avec des lunettes ; durant les cours de géométrie il prenait le grand triangle de bois servant à dessiner des isocèles ou des rectangles et il le tenait en équilibre, pointe posée sur son nez. Les jours où il était de bon poil, évidemment ! En tout cas c’était un signe très clair pour nous, nous n’allions pas en baver durant cette heure, du coup on comprenait mieux ses explications. Hélas, il ne faisait pas ce numéro assez souvent.

Nos pupitres en bois, meuble et siège ne faisant qu’un, avec une case dans laquelle nous rangions nos livres de cours, du moins les bons élèves, les autres y planquaient tout un attirail qui n’avait pas l’autorisation d’entrer ici. Nos places étaient attribuées par le maître et nous n’en bougions plus de l’année, sauf contre ordre de l’autorité supérieure. J’ai connu aussi l’encrier en porcelaine blanche incrusté dans le pupitre, le plein d’encre était fait par un élève avec une bouteille munie d’un embout métallique effilé capable de s’accoupler avec le récipient en porcelaine, et un chiffon devenu dégueulasse des coulures d’encre, rangés dans une armoire, odeur acide et un peu métallique. Cet encrier nous était indispensable car nous n’utilisions que des porte-plumes avec lesquels nous nous appliquions sur nos pleins et nos déliés, lors des pages d’écriture. Qui dit encre, dit buvard. Les buvards pouvaient être neutres, je me rappelle de la couleur rose, ou bien supports de réclames, ancêtres de la pub. Les stylos à bille ne feraient leur arrivée que bien plus tard et très furtivement, exclusivement pour écrire sur nos cahiers de brouillon, au début. Ceci dit, une belle page d’écriture à la plume, ça avait de la gueule.

Je n’ai pas le souvenir d’avoir porté une blouse dans cette école, plus tard au collège ou au lycée, chaque semaine nous alternions blouse blanche et grise, le pourquoi de cette alternance de couleurs m’échappe aujourd’hui. Des portemanteaux, sur le mur du fond de la classe accueillaient nos vêtements. Au fur et à mesure que j’écris, des images furtives, des odeurs fugaces me traversent l’esprit. Est-il si loin ce temps de l’enfance ?

En fin de journée, une fois par semaine, on nous distribuait du lait. C’est Pierre Mendès France, Président du conseil, qui avait pris cette initiative en 1954, effaré par les ravages de l’alcoolisme. Ecoles maternelles et primaires bénéficiaient de cette mesure et je me souviens du concierge entrant en classe avec ses casiers à bouteilles en verre, contenant du lait chocolaté dont je me délectais particulièrement. Il est fort probable que ce fût du Cacolac, pour ne pas nommer la marque, puisqu’elle existe depuis 1954. Quand par bonheur mon voisin n’en voulait pas, je ne me privais pas d’une seconde ration, ce qui explique que je sois aussi beau et fort aujourd’hui. Je sais aussi que mon jour préféré de la semaine, tombait le jeudi, coïncidence c’était le jour où nous n’avions pas classe à cette époque !

Une autre fois, peut-être évoquerai-je les devoirs et les leçons, mais gardons ces sujets qui peinent pour d’autres temps.  

 

« Mon » école de la rue de la Victoire, de nos jours :  

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