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01/03/2008

Les rois du ring

- Arrête de déconner, merde ! J'le dis à mon père !

- J'm'en fous d'ton pater.

- Ouais, mais si je l'appelle, y va te foutre une volée, il est catcheur mon père !

- Oh ! L'autre, hé !

- D'ailleurs, le voilà !

Les gamins qui se battaient, se relèvent et s'éparpillent dans le square. Alain, dix ans, s'époussette et court embrasser son père. "Bon sang, encore à te chicorer avec tes copains, tu avais promis d'être sage. Tu sais bien que cette année pour les vacances, tu n'iras pas chez ta grand-mère, je t'ai promis de t'emmener avec moi, en tournée à travers la France. Regarde , ton jeans est déchiré, ta mère va crier, on part demain matin."

Au petit jour, la caravane démarre, direction Dreux, première étape. Là, on retrouve le reste du convoi. Les frères Chong, Michel le copain de son père et un gros type qu'Alain a déjà vu chez ses parents. Ce soir le combat a lieu dans un gymnase. On s'y rend donc directement pour repérer les installations. Pour une fois, l'affichage dans la ville a été bien fait. Sur les portes des cafés on peut lire en gros caractères : Catch à quatre, les Diables Rouges contre les Chong, 21h. au Gymnase. Dans la salle on prépare le ring et tout à l'heure, on disposera les bancs et on dressera la buvette. C'est la première fois que les Diables Rouges tournent avec les Chong. Les deux frères avaient un air réellement inquiétant. De type eurasien, chauves avec une longue moustache fine qui retombait de chaque côté de la bouche, à la Fu Manchu , ils avaient presque l'air de jumeaux. Plus de cent kilos en muscles et surtout en graisse. Ils fichaient une trouille bleue à Alain. Ils lui rappelaient les personnages d'une bande dessinée qu'il lisait dans Mickey, tous les jeudis. Dans un coin du gymnase, sur le parquet, on a disposé quelques tapis de sol. Les quatre catcheurs sont là, qui s'échauffent. Le gros homme qu'Alain connaissait de vue est là aussi. Il s'entraîne avec les lutteurs. Projections au sol, manchettes, tout y passe. Ce qui étonne le plus l'enfant c'est que les deux chinois, répètent avec son père. Comment les Diables pourront-ils gagner ce soir, si les deux chauves les regardent mettre au point leurs prises favorites ? Vers vingt heures, les premiers spectateurs prennent leurs billets et s'installent. L'ambiance est bon enfant, on est venu pour s'amuser en famille ou entre copains. Il est vingt et une heures, les lumières s'éteignent, seuls les projecteurs braqués sur le ring subsistent. Tout surpris, Alain voit le gros homme monter sur l'estrade. Pantalon noir, chemise blanche, nœud papillon, pas de doute, c'est lui l'arbitre. La foule applaudit, les catcheurs font leur entrée, les vociférations redoublent. L'arbitre fait les présentations, coup de gong, le combat débute. Alain écarquille les yeux, les hommes s'empoignent à bras le corps, double Nelson, clé au bras, pirouettes acrobatiques se succèdent. Les Diables Rouges gagnent la première manche assez facilement. Le second round est plus acharné, dès que l'arbitre tourne le dos, les Chong multiplient les irrégularités. A deux ils frappent son père après l'avoir emprisonné dans les cordes du ring. Comme l'homme en noir se retourne et veut intervenir, l'un des jaunes, par un saut chassé envoie valdinguer le juge au pied de l'estrade. Alain apeuré regarde sa mère qui elle, semble bien s'amuser. Mais voyant son fils bouleversé, elle lui conseille de ne pas s'en faire, que son père en a vu d'autres. De toute façon, ils doivent perdre cette manche, c'est prévu. Là, Alain est sidéré. Comment ça, que c'est prévu ? Ils ne se battent pas pour du bon ? Le match est truqué ? Sa mère doit lui expliquer, mais non gros bêta, ça n'est pas de la triche. Tout le monde sait que c'est un spectacle. Les bons (ton père) gagnent la première manche, les Chong vont gagner la seconde et ton père finit en beauté en remportant la belle. C'est écrit. L'arbitre fait lui aussi partie du spectacle. C'est pour rire. Tu croyais qu'ils se tapaient dessus pour du bon, nigaud va ! Tu serais fier si ton papa revenait le visage en sang, tu crois que j'aimerais cela ? Ainsi, c'était une sorte de jeu. Ces malabars faisaient semblant. les grimaces de douleur étaient simulées, les coups, les claques qui volaient, tout cela comptait pour du beurre. Après tout, pourquoi pas, au moins comme cela, il n'aurait plus à craindre pour son père. Le match était terminé. Les deux chinois et l'arbitre étaient étendus sur le ring, immobiles, les Diables Rouges se congratulaient, ils avaient vaincu, comme toujours.

" De toute façon, mon papa c'est le plus fort si y voudrait..." pensait Alain en rentrant vers  la caravane.

15:25 Publié dans Nouvelles | Tags : catch, catcheurs, ring | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | | |