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23/04/2008

Embrouillamini en Roumanie

Enfin les vacances, Laurence les attendait avec impatience après une longue année de travail. Rivée sur son siège toute la sainte journée dans un bureau étroit, à voir les mêmes têtes toute la semaine, elle rêvait de voyage et de dépaysement.

            Cette année elle prenait ses congés assez tard dans la saison, nécessité de service avait dit le chef, un petit brun à lunettes nerveux comme une fouine. Tant pis, du moment qu’elle partait. Un mois complet, quatre longues semaines de repos. Elle avait prévu de s’offrir un vrai voyage, un séjour en Roumanie, sur les bords de la Mer Noire. Elle qui ne faisait jamais rien, ça devait la changer cette destination creuset de différentes cultures avec l’Asie si proche et l’ex-URSS encore plus près. L’Europe Centrale semblait pleine de charmes et de mystères aussi.

            Elle en profiterait pour étrenner sa première voiture, une Twingo vert grenouille, qu’elle s’était offerte récemment. La route serait longue mais elle n’était pas pressée. Le jour J arrive, l’heure H suit de près, Laurence est partie. Nous passerons sur les détails du trajet mais disons qu’au bout de deux jours de conduite elle commence à se sentir seule. En Slovénie, heureusement elle prend un auto-stoppeur très sympathique, José, un espagnol de l’armée en déroute. Nous passerons là aussi sur les détails (encore que, pour ceux qui seraient réellement intéressés, j’ai quelques photos hallucinantes) et nous retrouvons nos héros en Roumanie, donc, peu après la frontière.

            Le tandem décide de visiter le pays au lieu de se diriger directement vers la côte. Laurence qui parle le roumain assez couramment (pourquoi pas ?) bien que teinté d’un fort accent (quand même !) n’a aucun mal à communiquer avec les autochtones pour demander son chemin. Nous voilà sur une charmante petite route de Transylvanie (quand je dis « nous » c’est une clause de style, car il faudrait me payer cher pour une expédition en Twingo au milieu de la Transylvanie , ha ! ha ! ha !).

            Le jour décline, nos amis sont fatigués et Laurence n’a pas l’intention de coucher sous la tente cette nuit. La région est humide, le brouillard flotte à la surface de la lande endormie. Dans le faisceau des phares, une silhouette apparaît. La conductrice s’arrête et hèle le pauvre hère. Il est à noter que l’hère est souvent pauvre, ce qui d’un point de vue euphonique est plus agréable à l’oreille, car sinon j’aurais écrit « … elle hèle l’hère… » ce qui avouons le aurait été désagréable, donc dans ce cas de figure la pauvreté de ce pauvre type nous arrange bien. Par ailleurs, par convention, nous transcrirons le dialogue en français, le lecteur étant peu familier avec le roumain, langue si poétique au demeurant

-          Holà ! Mon brave, nous cherchons une auberge dans le coin, qu’en est-il ?

-          Grrr…

-          Pardon, je n’ai pas bien saisi. Pourrez-vous m’indiquer sur la carte, quand vous aurez terminé d’uriner sur l’aile de ma voiture ?

-          Gnarf ! Slurp !

-          Ah ! Vous voulez monter avec nous pour mieux nous guider. Bonne idée mon brave mais pouvez-vous abandonner ici votre énorme sac, plein de … cette chose nauséabonde. Ca nous arrangerait. Par contre, si vous insistez vraiment pour embarquer le loup qui vous accompagne, là ma foi, je ne peux que m’incliner. Allons, en route !

Après une heure de route, la voiture arrive en vue d’un château sinistre. Le Gnafron sort de la Twingo et frappe à l’huis. La nuit est bien entamée, le pays semble désert. Au bout de longues minutes d’attente, un bruit de ferraille trouble le silence pesant qui s’était installé, peinard, dans la voiture. La herse se lève en grinçant, un valet équipé d’une lampe tempête vient chercher les visiteurs. D’une voix caverneuse, le larbin les prévient que Monsieur le comte les attend dans le grand salon.  

-          Si vous voulez bien me suivre… Quant à toi crapaud (c’est l’hère et non l’Espagnol sinon j’aurais parlé de flamenco), disparaît en cuisines, on te donnera quelques rogatons à bâfrer.

Après un long dédale de couloirs sombres et froids, la petite troupe débouche dans une pièce immense. Des chandeliers sont allumés un  peu partout, un feu gigantesque embrase la cheminée où brûle un pin entier. Les armoiries aux murs rappellent la noblesse du propriétaire des lieux.

            Celui-ci les attend, debout devant une vaste bibliothèque où s’étalent sur les rayonnages, des éditions plein cuir des albums originaux de Mickey, une édition de 1947. La valetaille s’esbigne discrètement, le comte s’avance, très grand dans son costume en alpaga noir, ses cheveux blancs cendrés sont très longs dans son dos et accentuent sa maigreur. Son discours débute dans un borborygme grasseyant dont le comte s’excuse.

-          Excusez-moi, je vois si peu de monde ici que je ne trouve plus mes mots qu’avec difficultés. Asseyez-vous. Un verre de Tokay ?

-          Nous cherchions une chambre pour la nuit…

-          Je vois, je vois. Je vais vous faire servir une petite collation pendant qu’on prépare vos appartements.

-          Une chambre suffira !

-          Très bien, je reviens dans un instant le temps de donner des instructions à mes gens.

Le comte s’éloigne, Laurence et José s’installent dans de vastes fauteuils face au feu. La mignonne sirote son porto en rêvassant. Des bruits de pas la sortent de sa douce torpeur, un couple de domestiques dresse la table. Pichets de vin, assiettes de jambon de pays, omelette aux pommes de terre, salade et fruits. Le comte qui est revenu entre temps, s’assoit près d’eux et se sert un verre de vin de Bohême. Ses incisives brillent à la lueur des flammes. Laurence se sent toute chose. Le repas terminé il est déjà fort tard et le comte propose de les faire conduire à leur chambre. Le valet du début (vous vous en rappelez, non ?) les guide jusqu’à leur carrée où après quelques péripéties rapides dont je ne divulguerai pas les détails (une fois encore ! Désolé pour les esprits salaces) le couple s’endort.

            Dans la nuit, ou ce qu’il en reste, Laurence se réveille, une envie de pipi d’oiseau la tenaille. Une bougie à la main (ne cherchez pas d’astuce graveleuse là où il n’y en a pas !) la belle erre dans les couloirs à la recherche, non pas du temps perdu, mais des tinettes. Telle une fée blonde (oui, oui, elle est blonde) la môme se glisse de pièce en pièce où les rats fuient à son approche, les chauve-souris aussi !

            Un bruit d’eau qui clapote arrête l’héroïne, derrière cette tenture il y a de l’eau se dit-elle (on voit que c’est une vraie blonde !) Laurence pousse le drap et s’avance dans la pénombre, écartant les toiles d’araignées de sa main libre. Mal lui en prend, car si la pièce se prolonge, le sol lui, se dérobe. La malheureuse tombe dans la crevasse qui s’ouvre sous ses pas. Son cri d’effroi fait fuir les chouettes ou hiboux (il fait trop sombre pour être précis) qui dormaient dans cet antre. Sa chandelle s’éteint, Laurence gît sur la pierraille, évanouie.

A SUIVRE…

Mon dieu ! S’écrit la foule.

            Nous retrouvons la gosse dans sa position inconfortable. Une nuisette Baby Doll découvre ses cuisses laiteuses, sa poitrine (fort généreuse) halète doucement. La pauvrette ne semble pas blessée, sonnée seulement. Un hululement profond la tire de son coma temporaire, péniblement elle se relève à tâtons, un vent frais lui fouette le minois (et certainement le minou, mais cela ne nous regarde pas !)  elle n’est donc pas dans un cul-de-sac ! Ce courant d’air indique qu’il y a un passage, une sortie certainement. Prudemment elle s’avance dans l’étroit souterrain.

            Au loin, le noir est gris, bientôt le gris devient plus clair, l’issue est proche. Arrivée à l’extrémité du boyau, elle débouche dans une sorte de catacombe. Le sol est jonché de squelettes blanchis par les ans, les têtes seules, sont élégamment posées dans de petites niches tout autour de la salle basse. Au milieu de la cave, un cercueil neuf, entouré de cierges noirs.

            Laurence hurle, le coffre d’ébène s’ouvre, le comte (oui c’est bien lui, l’immonde !) se redresse et regarde la blonde en souriant d’un air maléfique qui dévoile ses incisives colgatées. La minette part en courrant à travers les galeries poursuivie par le vampire (ce qu’on craignait depuis le début) assoiffé de sang. La cavalcade se répand dans tout le château. La bête immonde légèrement anémiée a du mal à courser la jeunette. Celle-ci cherche désespérément à rejoindre sa chambre où seul José peut encore la sauver.

            Bientôt elle se retrouve dans la grande salle où ils avaient dîné quelques heures plus tôt, maintenant elle va retrouver son chemin, déjà elle atteint le couloir de sa chambre, les yeux fous, les pieds mous, le sein doux. Elle entre en trombe et se rue sur le lit où repose José, le monstre tout en crocs à la porte hésite.

            José se réveille et réalise bien vite la situation. Ils sont perdus pense-t-il, toujours optimiste celui-là ! A moins que… Une idée jaillit de son cerveau encore neuf car peu utilisé. Il saute du lit alors que le bestiau denté s’approche en ricanant. Ca commence à me foutre les jetons cette histoire. Vite, il fonce vers son pantalon qui repose sur le dossier d’une chaise, dans la poche de son froc, leur espoir de s’en tirer. La main plonge et en ressort un chapelet d’ail qu’il brandit à la vue du lycanthrope. Laurence de son côté ouvre les rideaux et la fenêtre de la chambre non pas pour l’aérer des éventuelles flatulences nocturnes de son toréador mais pour permettre au soleil d’inonder la pièce.

            Ail, plus soleil, la bête n’en peut plus. Dans un cri d’horreur et d’agonie elle se liquéfie en une marmelade verdâtre et fumante franchement répugnante. Ils sont sauvés.

            Sauvés grâce à l’Espagnol qui comme souvent en Espagne, est très friand d’ail, au point d’en trimballer dans ses poches pour le déguster comme une friandise dans la journée.

            Maintenant me direz-vous, Laurence a-t-elle assouvi son envie de pisser ? Car toute cette hallucinante histoire a bien pour origine son problème de vessie. Ca, c’est un problème trop intime que nous n’aborderons pas dans ces pages et que nous considérerons comme résolu.

   

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