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09/02/2008

La bavure

La vie est tranquille à Milford. D'ailleurs, qui n'a jamais rêvé de vivre en Californie, il y fait toujours beau, dit-on. Mais là particulièrement, c'est très agréable. Milford est une toute petite bourgade située au nord de Reno et qui s'étale paresseusement au bord du lac Honey. Ce lac est le seul attrait de la ville disent les mauvaises langues. Et il faut reconnaître que si en hiver la cité semble déserte, l'été, la population triple, attirée par ce plan d'eau, où l'on pêche et se baigne. Le commerce en profite et Milford vit toute l'année sur son travail des quatre mois de la belle saison. C'est peut-être ce qui a fait le malheur de Stan. Tous les petits commerçants déposent leurs fonds, dans l'unique succursale bancaire de la ville, la First American Bank. C'est là que Mildred travaillait depuis toujours. Stan et Mildred s'y étaient connus, lui venait déposer sa recette de la semaine et il était son premier client depuis qu'elle avait été mutée aux guichets. Elle avait fait une petite erreur en remplissant le bordereau de dépôt, ils avaient plaisanté... Cela faisait dix ans qu'ils étaient mariés maintenant, jusqu'à ce vendredi de fin septembre où tout commença. Il était presque midi, Stan allait fermer sa boutique d'articles de pêche quand la voiture du shérif passa en trombe, sirène hurlante. Tout le monde sur son pas de porte se regarda étonné. C'était la première fois qu'on entendait les sirènes de la voiture de police locale. Les habitants se ruèrent à sa poursuite et la ville entière se retrouva devant la banque. Le shérif et son adjoint, seuls représentants de l'ordre à Milford, étaient garés en travers de la route et bloquaient ainsi la fuite d'une vieille Ford toute cabossée. Les gangsters étaient retranchés à l'intérieur de la banque et ne pouvaient plus fuir qu’à pieds. L'officier de police leur intima l'ordre de se rendre par son porte-voix. Les deux malfrats lui répondirent qu'ils avaient des otages sous la main et que ce ne seraient pas deux pauvres cloches de flics qui les contrecarreraient dans leur entreprise ! Et là-dessus, ils sortirent lentement, collés au dos de Mildred qui servait de bouclier. Stan, qui n'était pas hardi (Ha! Ha!) Pâlit. Les policiers, peu habitués à gérer ce genre de situation, se regardèrent, bien ennuyés. Leurs paumes étaient moites et leurs revolvers leur démangeaient les mains. Les malfrats approchaient de leur voiture quand Mildred trébucha sur le bord du trottoir. Affolés, gangsters et policiers se tirèrent dessus. Ce fut un carnage, les voleurs et l'otage furent abattus, l'adjoint du shérif ayant récolté une balle dans l'épaule.

L'affaire fit beaucoup de bruit dans la région, une équipe TV de la CBS fut même envoyée sur les lieux. Le shérif devait déclarer au reporter "C'est une regrettable erreur... une bavure... je suis désolé."

C'est tout ce qu'il trouve à dire ce salaud, pensa Stan, seul devant son poste de télévision. Seul avec son chagrin immense. Déjà l'idée de vengeance germait en lui... Le temps passa. Neuf mois exactement, le délai nécessaire pour accoucher d'un plan de vendetta. On était en juin, les premiers touristes avaient fait leur apparition. Un vendredi soir Stan appela le bureau du shérif :

-"Venez vite shérif, il y a des rôdeurs dans mon jardin. Sûrement quelques petits voyous venus pour le week-end !"

Stan raccrocha le combiné, prit son fusil dans l'armoire et y glissa deux cartouches. L'arme était parfaitement graissée depuis de longs mois. Pourtant, tout semblait dater d'hier. Stan se posta derrière la fenêtre de la cuisine qui donnait sur le petit jardin potager. La voiture de police se gara sans bruit devant la maison. Les deux hommes en sortirent silencieusement et allèrent frapper à la porte. A voix basse, celui-ci leur indiqua le jardin derrière la bâtisse. Les policiers contournèrent la véranda. Quand ils arrivèrent devant la fenêtre de la cuisine, Stan tira deux fois. Plus tard, au procès, l'accusé déclara : -" Je ne sais pas ce qui s'est passé. Je regardais la télé, j'ai entendu du bruit dans le jardin. A cette époque de l'année il y a de nombreux rôdeurs, vous savez ... Je ne comprends rien, je suis désolé... c'est une bavure..."

Le jury, de braves commerçants, l'acquitta.

16:09 Publié dans Nouvelles | Tags : La bavure, Californie | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | | |

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