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28/03/2008

La coupe

Le vendredi c’est le jour du poisson, alors je suis allé chez le merlan. Comme j’étais en RTT (encore !) j’en ai profité et bien m’en a pris, il n’y avait personne chez Figaro. Oui je sais, le nom de la boutique n’est pas particulièrement original, mais l’astuce de ma première phrase n’est pas plus fine alors je ne critiquerai pas. Donc, j’entre et les cinq artisans me regardent interrogateurs. Seuls dans l’officine ils attendent le chevelu, un instant j’ai la main pour choisir mon artiste mais j’hésite et instantanément, tout le monde s’agite, l’un se dirige vers la caisse, l’autre s’éclipse dans l’arrière boutique, un autre se replonge dans son Equipe, bref un seul m’offre son fauteuil. Je m’y vautre sans façon et les opérations s’enclenchent, on me passe une blouse fort peu seyante mais fonctionnelle tout en me demandant quelles sont mes exigences. Moi je ne suis pas compliqué de nature, ajoutez à cela qu’il ne me reste pas assez de tifs pour avoir des prétentions capillaires, aussi je lui balance ma formule habituelle « Bien court, tout en avant et pas de vaporisation à la fin ! ». La coupe basique en somme. D’un coup de poignet habile, le coiffeur fait pivoter le fauteuil pour le shampoing tout en m’expliquant la manœuvre, « Allongez-vous ! », « Je vais faire couler l’eau ». Soit il s’imagine que c’est la première fois que je me fais couper les cheveux, soit il a percé en moi l’enfant qui subsiste ou, dernière hypothèse il me prend pour un débile léger ? Je ne cherche pas à approfondir la question et je le laisse soliloquer, après tout, vu le peu de monde dans la boutique, peut-être serai-je son seul client de la journée et a-t-il besoin de s’épancher. Quelques plaisanteries de garçon coiffeur auxquelles je réponds par un sourire neutre autant que charitable et la coupe avance, le ciseau taille et détaille, la tondeuse tond et son zonzon détend, le rasoir rase et les vannes du merlan aussi, bref tout va pour le mieux. La sono diffuse en sourdine une musique douce, je suis bien assis, l’autre me tripote le crâne avec délicatesse, je suis à deux doigts de piquer du nez pour un petit roupillon, quand l’artiste me prévient « Et voici le travail ! » en me tendant mes lunettes d’une main, tandis que l’autre me passe une glace derrière la tête afin que j’admire l’œuvre. « Parfait, parfait ! » Je me vois mal lui dire, « vous m’en avez trop coupé » en espérant qu’il puisse rattraper le coup. Un dernier aller-retour de brosse dans le cou pour évacuer ses cochonneries, je m’extraie de la combinaison nylon et je passe par la caisse. Je sors un billet et je lui laisse la monnaie comme pourboire, un court instant je me sens rupin et retiens un « Tenez mon brave… » de mauvais goût. Je sors, le vent frisquet me tonifie la peau du crâne, je me sens un autre homme.    

 

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