14/05/2011
Quand Cabourg rime avec toujours (1/2)
Nous n’avons pas su résister. Quand la question du voyage de printemps s’est posée, il n’y a pas eu à se gratter la tête longtemps en se regardant avec des yeux interrogatifs, Cabourg s’est imposée, comme une évidence. Je ne compte plus le nombre de fois où nous avons séjourné dans la jolie cité du Calvados, par contre vous pouvez le vérifier en consultant les archives de ce blog, nous y étions encore il y a deux ans.
Nous n’allons pas refaire la visite pas à pas, j’ai déjà tout écrit précédemment, d’ailleurs il y a si peu à voir ici. Je parle de « voir » dans le sens où l’entend le touriste lambda, pas de monuments incontournables où de lieux dits époustouflants, les cartes postales de la Maison de la Presse en témoignent, le Grand Hôtel et les jardins fleuris devant la porte d’entrée à tambour - L’aspect de la pelouse qui s’étendait derrière l’hôtel avait été modifié par la création de quelques plates-bandes fleuries et l’enlèvement non seulement d’un arbuste exotique, mais du chasseur qui, la première année, décorait extérieurement l’entrée par la tige souple de sa taille et la coloration curieuse de sa chevelure -la Promenade Marcel Proust le long de la mer, éventuellement le Casino qui s’appuie sur le Grand Hôtel et c’est tout. Pour les photos mémorables diffusées en diaporama sur le téléviseur maxi écran devant les amis, un verre de cidre à la main « C’est du bon, je le rapporte de là-bas, directement de la ferme », n’y comptez pas trop, ennui mortel assuré, bide programmé.
Je vois d’ici vos mines, vous devez penser que je suis zinzin ou peut-être masochiste, je vais régulièrement à Cabourg et j’écris qu’il n’y a rien à voir ni à faire dans ce bled, alors quoi ? Justement, c’est exactement ça l’intérêt du séjour. Une expérience mystique en plus modeste, comme une retraite laïque dans un monastère, un long arrêt dans un jardin minéral zen tel que ceux qu’on trouve au Japon. Je reconnais que s’attarder plus d’une semaine ici relèverait du tour de force ou d’une disposition d’esprit particulière – ce que je peux comprendre mais n’est pas à la portée de tous.
Imaginez que vous êtes à Cabourg, voici le programme de votre journée idéale. Après une bonne nuit au calme – tout est calme ici, c’est même le maître mot – vous allez chez Dupont « avec un thé » prendre un petit-déjeuner complet, chocolat onctueux, viennoiseries et tartines, confitures et jus d’oranges pressées, tout est fait maison et dire que c’est fameux n’est rien dire. Comme vous êtes dans la rue de la Mer, la seule rue commerçante de Cabourg vous en profitez pour flâner devant les boutiques de souvenirs ringards, les restaurants pour vous faire une idée des menus avant de faire votre choix à midi. Vous descendez la rue jusqu’à la mairie, ses jardins et l’église - Selon Swann « L’église du XIIème et XIIIème siècle, encore à moitié romane, est peut-être le plus curieux échantillon du gothique normand, et si singulière ! on dirait de l’art persan. » - sur un trottoir et vous la remontez en sens inverse jusqu’au Grand Hôtel par l’autre trottoir.
Devant le Grand Hôtel, une pause pour admirer les belles demeures à colombages qui ceinturent la place et l’hôtel lui-même, d’un blanc immaculé. D’un pas hardi vous entrez par la porte à tambour, un œil désabusé (pour ne pas faire trop plouc) sur les salons aux baies vitrées immenses et vous ressortez par l’autre côté, directement sur la Promenade Marcel Proust.
La mer s’étale sous vos yeux éblouis par le soleil, le port de lunettes adéquates est recommandé. Si vous empruntez la Promenade par la droite, vos pas vous mèneront vers l’estuaire de la Dives ;la Promenade Proust s’arrête là mais vous pouvez continuez dans les dunes jusqu’à la pointe de Cabourg et la Dives, au-delà c’est Houlgate, si loin et si proche à la fois. En négligeant les dunes, vous pouvez alors vous engager dans Port Guillaume, un quartier neuf de petites maisons individuelles et d’immeubles timides au centre desquels, comme un secret bien gardé, se cache un port de plaisance.
Inversement, si vous aviez décidé de partir à bâbord en sortant du Grand Hôtel, la Promenade est plus longue et s’achève abruptement. Au loin Ouistreham et certainement à quai, un monstrueux navire blanc, le car-ferry pour l’Angleterre qui attend la marée haute pour s’éloigner de la côte. Il est alors bien temps de retourner en ville pour au choix, une glace italienne – si on ne s’en met pas plein le cornet pendant les vacances, hein ? – ou une boisson fraîche en terrasse d’un café, à moins qu’ayant opté pour le grand jeu vous ne retourniez chez Dupont, mais cette fois pour un thé et une paire de madeleines. Personnellement, je conseille.
Pour ceux qui aiment, le Casino toute l’année - S’il pleuvait, bien que le mauvais temps n’effrayât pas Albertine qu’on voyait parfois, dans son caoutchouc, filer en bicyclette sous les averses, nous passions la journée dans le Casino où il m’eût paru ces jours-là impossible de ne pas aller - et l’hippodrome en saison peuvent aussi vous occuper. Et c’est tout, chaque jour ce même rituel se répétera plus ou moins, mais chaque jour inévitablement vous arpenterez la Promenade Proust, les yeux rivés sur l’étendue à trois bandes, le sable, la mer et le ciel. Selon les heures, la largeur des bandes évolue, selon les heures, les éléments se mêlent et s’emmêlent en une fresque impressionniste faite de nuances de bleus, de verts et de gris doux. Parfois il m’est difficile de distinguer la ligne d’horizon, confondant un nuage avec la côte ou m’étonnant de percevoir une voile dans ce qui me paraissait le ciel. Le spectacle ne s’interrompt jamais et comme de nombreux bancs sont semés sur la Promenade, vous vous asseyez de l’un à l’autre, le temps de vous rassasier de cette vue pensez-vous avant de reprendre votre marche mais bien vite vous succombez, une forme nuageuse, un dégradé de couleurs sur la mer étale, un navire qui passe au large, un rien qui attire votre regard et à nouveau une pause.
Les heures passent qui font des jours et les vacances se terminent sans qu’on sache très bien ce qui s’est passé durant ce séjour dans la quatrième dimension. Un matin on se réveille, il faut faire ses valises et partir, c’est dans l’ordre des choses, mais Cabourg rimant avec toujours on sait qu’on y reviendra un jour.
NB : les passages en italiques sont tirés de l’œuvre de Marcel Proust qui évoquait Cabourg sous le nom de Balbec.
07:00 Publié dans Voyages | Tags : cabourg, marcel proust, voyages, houlgate | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | | |
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