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12/04/2012

Thé ou café ?

Tout le monde a entendu parler de la cérémonie du thé au Japon. Rituel traditionnel issu du bouddhisme zen, le thé est préparé par un maître pour un petit groupe d’invités.

Bien entendu il ne s’agit pas de faire tremper un sachet d’herbes dans de l’eau chaude ! Le cérémonial observe des règles strictes, un ordre prédéterminé des actions, des ustensiles bien précis à utiliser et les conversations sont réduites à leur minimum. Toutes les règles codifiant cette cérémonie pourraient représenter plusieurs centaines de pages dans un manuel.

Culturelle pour les Japonais, la cérémonie du thé est admirée par les Occidentaux qui y voient là un exquis savoir vivre et une belle leçon de respect des traditions ancestrales.

Tout cela est bel et bon, mais à la réflexion et plus modestement, s’apparente fort à la préparation de mon petit-déjeuner le matin. Je m’explique. Moi aussi je respecte une tradition, résultat de longues réflexions et aménagements qui au fil des années m’ont conduit à ce résultat quasiment parfait, que chaque jour je renouvelle à l’identique. Une tradition plus récente certes, puisque je n’ai que soixante ans, mais je n’ai pas encore dit mon dernier mot car je tends à l’immortalité et m’applique patiemment à atteindre cet objectif.

Sur la table du petit-déjeuner, pendant que le café passe lentement dans la cafetière, j’ai posé mon bol face à ma chaise. A sa droite, une petite cuillère et un couteau à beurre. Derrière le bol, légèrement décalés vers la gauche et en respectant un écart – calculé pour une manœuvre aisée – le beurre et un pot de miel.

Aligné sur beurre et miel mais à droite du bol, mon verre de jus de fruits. Enfin, derrière cette ligne, à main gauche, la boîte de biscottes. Pas trop loin pour être facilement accessible, pas trop proche pour ne pas heurter les accessoires dressés sous mes yeux.

Il est temps de verser le café noir dans le bol. Ni sucre, ni lait. Je prends dans la boîte plusieurs biscottes que je pose à gauche du bol. Toujours plusieurs, pour éviter qu’elles ne se cassent lors du tartinage. Le beurre est étalé avec le couteau adéquat en maintenant la biscotte sur sa collègue. Puis le passage délicat, l’enduire de miel. La cuillère est trempée dans le pot avec la main droite, tandis que la gauche s’empare de la tartine et l’approche au-dessus du pot à miel, ceci afin d’éviter les coulures du nectar. Il faut emmieller la biscotte, sans la casser, et sans répandre du miel sur les flancs du pot ou sur la table, ni même sur vos doigts. Car le miel ça colle et c’est sacrément malin pour se glisser partout où il ne faut pas. Toute la réussite de votre petit-déjeuner passe par ce court instant. Une rupture de biscotte à ce moment précis et c’est la catastrophe assurée.

Ensuite, il y a deux écoles, ceux qui trempent et ceux qui ne trempent pas. Je suis de la première. L’opération est ainsi répétée autant de fois que vous le voulez, jusqu’à ce que vous soyez rassasié. Le café est enfin bu.

Le cérémonial arrive à son terme, le beurre retourne au frigo, le miel et les biscottes dans le placard. Petite vaisselle du matériel et c’est maintenant seulement, que j’avale mon verre de jus de fruits. Il est ainsi à température parfaite, pas trop frais, ce qui peut indisposer le boyau de bon matin. La journée peut alors démarrer.

Donc, si je compare la cérémonie du thé au Japon et celle du petit-déjeuner chez moi, les différences sont minimes. Un ordre des opérations précis et optimisé pour réduire les efforts et les fausses manœuvres, des ustensiles bien particuliers pour obtenir des résultats parfaits et je respecte le silence du gars pas encore réveillé qui n’aime pas qu’on l’emmerde si tôt le matin.

Tout le monde s’émerveille devant le rituel de la cérémonie du thé, mais j’en connais beaucoup qui se gausseront de la maniaquerie apportée à la préparation de mon petit-déjeuner. Reconnaissez qu’il y a là, une injustice certaine. Deux poids, deux mesures, ou problème de culture. Alors, thé ou café ?   

 

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