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16/05/2012

J’ai trompé ma femme

Le week-end dernier, ma femme est partie en province pour aller voir sa fille nouvellement déménagée. Trois jours absente et il ne m’en a pas fallût plus pour que je la trompe.

Toute la semaine précédant son départ j’avais ruminé la chose, je le fais, je le fais pas, sachant très bien que lorsque je succombe j’ai ensuite comme un poids sur l’estomac qui me dure plusieurs jours. Quand la voiture est sortie du parking, ma résolution était prise, je m’abstiendrais. Fier de moi, j’ai passé les quarante-huit heures suivantes l’esprit serein et tranquille, jusqu’à ce lundi matin fatidique.

Oui fatidique, car je ne sais pas ce qui s’est passé exactement. Souvenez-vous, il faisait un temps radieux lundi, plein soleil dès le matin et température idéale pour se lancer dans une grande balade à pied dans la nature. Je n’allais manquer cela pour rien au monde. Casquette et léger sac à dos avec mon appareil photo, en route vers la forêt de Marly. J’avais donc bien trotté quand je suis rentré chez moi en tout début d’après-midi.

Sur le chemin du retour, je récapitulais mentalement le contenu de mon frigo car l’appétit venant en marchant, j’avais l’estomac dans les talons. Le rapide inventaire fait par acquis de conscience, car je sais très bien ce qu’il y a dans mes placards, me confirma qu’il n’y aurait pas de quoi faire un repas qui en mérite le nom. Déjà mon diable gardien me susurrait des horreurs à l’oreille « Elle n’est pas là, elle n’en saura rien ! » ou bien encore « Une fois n’est pas coutume ».

Ma glotte s’agitait dans ma gorge, mes papilles salivaient et plus je me rapprochais de mon domicile plus l’inévitable devenait probable. D’ailleurs que pouvais-je faire, je n’avais pas pris d’argent avec moi pour faire des courses chez l’épicier, il aurait fallût que je remonte chez moi pour ressortir, éreinté comme je l’étais, pas question. Alors j’ai cédé, définitivement.

Oubliées les promesses faites à ma douce avant son départ, des repas sains – pas autant que ceux que tu nous mitonnes – et surtout pas de pizzas livrées par cyclomoteur. J’ai foncé dans mon bureau et sous une pile de papiers, j’ai retrouvé (car j’avais donc inconsciemment en tête l’idée de la tromperie, les voies du Malin sont impénétrables) un vieux menu de la célèbre chaîne de pizzas à livrer. Un rapide coup de fil et trente minutes plus tard, une pizza pour deux (pour moi seul !), modèle pan, avec double ration de champignons et jambon n’attendait que mon bon vouloir.  

Je l’ai prise sur la table de la cuisine, à la va vite, sans décorum ni nappe ni couverts, avec mes doigts et ma bouche avide. Je m’en suis mis jusque là, la trogne luisante de bonheur autant que de graisses, les lèvres légèrement rougies par l’huile piquante copieusement versée sur le corps du délit.

J’attendais cet instant depuis des années car si je me régale de la pizza maison faite par ma belle, j’ai encore en mémoire mon époque de célibat et les orgies italo-américaines qui se déroulaient dans mon studio. Les graisses saturées, les excès de sel, les sucres et les aditifs aux noms aussi barbares qu’exotiques, tout était bon pour moi sachant que le point culminant était la pizza de ce dealer bien connu. Je me serais damné pour une livraison de cette galette gavant et je m’en suis payé, croyez-moi !

Aujourd’hui j’ai digéré mon écart, mon corps a merveilleusement réagi aux stimuli, passant de l’excitation à la satisfaction intense, seul mon esprit garde encore la trace (ainsi que mon t-shirt, la sauce tomate c’est traître) de ce faux pas. J’ai tout avoué à mon journal intime que vous lisez en ce moment, mais ma femme, dois-je tout lui dire ? Se taper une pizza dans la cuisine, est-ce tromper ?   

 

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