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25/02/2014

Sans les mains

Le petit René n’en menait pas large quand l’inspecteur principal l’avait convoqué dans son bureau, lui demandant de refermer la porte avant de s’asseoir. Après avoir étudié son dossier avec attention, posé une question ou deux pour compléter les informations qu’il y découvrait, l’inspecteur principal s’était longuement lissé la moustache d’un air satisfait avant de lâcher la déclaration suivante.

Mon petit gars, si tu veux passer chef comme moi un de ces jours, tu vas devoir bosser le sujet avant. Il ne suffit pas d’avoir une belle casquette et un veston à la mode comme le tien. Je dirais même plus, il ne suffit pas d’être instruit et d’être sorti d’une grande école comme l’indiquent les documents que j’ai lu dans ton dossier. Oh, que non !

Sur ce, il s’était levé et tout en enfilant son pardessus il entrainait le petit René à sa suite dans l’escalier. Suis-moi petit ! Je vais te donner ta première leçon dès aujourd’hui. Les deux hommes s’esbignèrent discrètement par une porte dérobée – ce qui avait toujours le don d’amuser le planton de service quand on lui en faisait la remarque. Sans un mot, ils enfilèrent plusieurs rues s’éloignant de la place de Brouckère en direction du quai des Charbonnages.

Quand l’inspecteur s’arrêta brusquement, petit René compris qu’ils étaient arrivés. Un chantier occupait une part d’un terrain vague, l’en séparant par une toile de jute tendue sur toute sa longueur. D’un geste, l’inspecteur signifia à son subordonné de s’en approcher au plus près. Petit René cru que l’inspecteur voulait qu’il tente d’apercevoir ce qui se tramait derrière la toile, collant son nez sur le rideau, il essayait de comprendre à quoi rimait cette manœuvre.

Bougre de moule à gaufres, s’écria l’inspecteur principal, qu’est-ce que tu fous à mater chez les gens ? Pour ta première leçon, regarde moi bien et tâche d’en faire autant si tu peux ! Sous les yeux perplexes puis ébahis de petit René, l’inspecteur principal sortit son pistolet de son pantalon et sans se servir de ses mains, d’arroser la toile de jute flottant au vent. T’as vu mon gars ? Quand tu sauras faire ça, éventuellement tu pourras me piquer ma place. Pas avant !

Sur le chemin du retour au bureau, l’inspecteur principal le répéta plusieurs fois et très distinctement, sans les mains ! j’ai bien dit sans les mains ! Petit René n’en menait pas large, pour sa première journée dans un commissariat, il se demandait si son avenir devait en passer par là ?

 

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Photo : Cartier-Bresson - Bruxelles 1932 -

 

05:00 Publié dans Nouvelles | Tags : cartier-bresson | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | | |

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