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28/10/2008

Histoire de plumes

Récemment ARTE a diffusé un reportage sur l’histoire du stylo bille et cet objet banal m’a ramené au temps de ma jeunesse, celle où le stylo BIC est né, au début des années cinquante tout comme moi. Quand j’étais à «la petite école » j’ai appris à écrire avec un porte-plume muni de la fameuse plume Sergent Major qu’on trempait dans un petit encrier de faïence blanche, logé dans le pupitre en bois de chaque écolier. Le maître ou un élève, une responsabilité donnée par le maître à un élève méritant, remplissait les encriers avec une bouteille rangée dans un placard avant que le cours ne débute, une bouteille un peu crapoteuse enveloppée d’un chiffon encore moins reluisant. Sur nos cahiers les mots s’inscrivaient en pleins et déliés, l’esthétisme se mariant au fonctionnel. Quand la plume, le papier, l’encre et le tour de main étaient en osmose, quel plaisir de voir le texte s’étaler et mesurer ainsi notre maîtrise de la calligraphie. La plume ne devait pas être trop gorgée d’encre sinon gare aux taches et bavures qui vous gâchaient une page d’effort, inversement si l’encre venait à manquer, le mot trop pâle devait être repris ; d’un coup de poignet on plongeait la plume dans l’encre odorante et onctueuse et en la frottant contre le rebord de faïence on éliminait le surplus de liquide. Bien entendu le buvard n’était pas un moindre accessoire, la main posée dessus il nous protégeait des bavures et quand l’ouvrage était terminé son application sur la page scellait à jamais le chef d’œuvre. Bien entendu entre les bons élèves qui s’appliquaient à réussir leur page d’écriture sans se tacher et les garnements du fond de la classe qui en mettaient plus sur leur blouse (en ce temps là les élèves avaient des blouses et en l’occurrence cela tombait bien) et leurs doigts que sur leurs cahiers il y avait tout un monde. Un monde mouvant où la page pouvait commencer bien mais qu’un défaut dans le papier bloquât la plume dans son élan alors que la main poursuivait son chemin et c’était la porte ouverte aux éclaboussures et pâtés, horribles taches de Rorschach où sans être psychologue on décelait la souffrance et l’amertume du scribe en herbe qui voit son œuvre réduite à néant. De cette époque j’ai conservé à l’extrémité de mon majeur, une légère excroissance, qu’enfant je croyais pleine de l’encre qui me barbouillait les doigts. Quand le stylo bille fit son entrée dans les établissements scolaires en 1965 ce fut une révolution, certains professeurs voulaient maintenir l’usage de la plume d’autres n’en voyaient pas l’intérêt, il en fût même qui ménagèrent la chèvre et le chou autorisant les prises de notes au stylo mais les devoirs à la plume. Combat d’arrière garde qui ne dura pas, le stylo s’installa dans nos poches de chemise malgré quelques ratés comme les fuites et les pointes baveuses. Aujourd’hui le porte-plume est devenu stylo plume, le stylo bille est partout et le stylo feutre gagne du terrain chaque jour.