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12/05/2008

Mémoires d'esgourdes

Sirènes des voitures de police, cavalcade des pas dans les rues, foule qui gronde, bruits fusants des jets de grenades lacrymogènes, choc des pavés lancés contre les boucliers anti-émeute des CRS, sifflets à roulette, cris en tous genres ne constituent pas l’unique bande son de mai 68. Car  parallèlement à la révolution bruyante tout juste éclose, la musique qui vit le jour en 1968 atteint des sommets de créativité et de qualité encore rarement dépassée à ce jour, cette même année nous eûmes droit au Double Blanc des Beatles et à Beggars Banquet des Rolling Stones par exemple. Ca donne le niveau mais à cette époque qualité et quantité pouvaient aller de paire, puisque les premiers nous donnèrent aussi Hey Jude le 30 août, mais il y aura aussi Lady Madonna et les seconds Jumpin’Jack Flash dès le 24 mai. Rien qu’avec ces deux groupes on aurait déjà eu une bonne année mais nous vivions alors l’âge d’or du rock et s’il fallait lister tous les singles (45 tours) ou albums (33 tours) extraordinaires sortis durant cette année c’est un bouquin qu’il faudrait écrire. Je n’aurai ici qu’un modeste but, remettre en mémoire quelques bons moments musicaux pour les anciens et éventuellement indiquer des pistes pour les plus jeunes. Alors suivez le guide, nous allons monter au grenier ou descendre à la cave, ouvrir les cartons où sommeillent les joyaux qui bercèrent mon année 1968.

D’abord il y a les objets eux-mêmes, ces disques en vinyle dans des pochettes cartonnées de 30cm de côté, laissant une place suffisante pour que les photos et graphismes s’expriment et que nos yeux dès l’achat se repaissent par avance du bonheur qui découlerait infailliblement de l’écoute. Carton léger des pochettes fabriquées en France, carton épais et lourd de celles des disques importés des USA. Même le vinyl avait des qualités différentes selon le grammage du disque. Entre le marchand et mon retour chez moi c'est-à-dire chez mes parents, j’avais déjà le temps de gamberger sur le trésor que je venais d’acquérir. Vous comprendrez aisément qu’aujourd’hui avec un pauvre CD en plastoc tout riquiqui dont mes pauvres yeux déchiffrent à grand peine les notes de pochette je me sente un peu frustré.

Venons-en au fait, je vais cafter sans remords aucun, les noms de tous ceux qui m’ont enchanté durant cette année mémorable. Je cite dans le désordre tant ça se bouscule au portillon. Dès que j’allumais la radio – du moins l’émission Salut les Copains – s’enchaînaient des pépites comme Night In White Satin des Moody Blues, Massachusetts des Bee Gees, Baby Come Back des Equals, Eloïse de Barry Ryan ou Rain and Tears des Aphrodite’s Child et Monia de Peter Holm. Rien qu’avec ces six disques vous étiez le roi si vous les programmiez lors d’une surprise-party (ou une surboum si vous préférez !). Autres bonheurs radiophoniques, Otis Redding et Dock of the Bay, Donovan et son Hurdy Gurdy Man, Joe Cocker et sa fantastique reprise d’un titre des Beatles With A Little Help From My Friends tandis que la timide Mary Hopkins, protégée de Paul McCartney, susurrait Those Were The Days. Les artistes français n’étaient pas en reste, puisqu’ils nous donnaient Comme d’habitude pour Claude François et Comme un garçon et La Maritza pour Sylvie Vartan. L’éternel Johnny était bien sûr déjà là, avec Bonnie and Clyde, A tout casser ou Cours plus vite Charlie, tandis que Joe Dassin prenait sa grosse voix pour La bande à Bonnot ou nous conseillait d’aller Siffler sur la colline, Gilles Dreux nous saoulait avec son Alouette et Yves Montant pédalait tranquillement A bicyclette . Pour Michel Polnareff c’était Le Bal des Lazes alors que Jacques Dutronc ne se lassait pas de nous rappeler qu’Il est cinq heures Paris s’éveille. Autres gros succès, Herbert Léonard avec Quelque chose tient mon cœur, Julien Clerc et sa fameuse autant qu’entraînante Cavalerie alors qu’Hugues Aufray murmurait Adieu monsieur le professeur 

Quant à ma collection de disques elle commençait à s’étoffer d’albums de rock anglo-saxon qui sont devenus depuis des classiques du genre. Truth de Jeff Beck avec l’extraordinaire Rod Stewart au chant, Boogie de Canned Heat et l’incontournable On The Road Again, Wheels of Fire de Cream avec monsieur Eric Clapton à la guitare, Mr Wonderful de Fleetwood Mac pour Peter Green et ses potes, Electric Ladyland de Jimi Hendrix qu’il serait indécent de présenter, In-A-Gadda-Da-Vida de Iron Butterfly dont je vous ai déjà parlé dans une note spécialement dédiée à cet album, This Was de Jethro Tull pour Cat’s Squirrel et la flûte de Ian Anderson, Cheap Thrills de Janis Joplin dont la pochette est dessinée par Crumb, A Saucerful of Secrets de Pink Floyd et je pourrais encore continuer longtemps avec Simon & Garfunkel et The Graduate sur lequel figure le fameux Mrs Robinson bande son du film Le Lauréat avec Dustin Hoffmann, ou encore Procol Harum avec Shine On Brightly… Quand on a vécu à l’époque d’une telle profusion de merveilles on reste dubitatif devant la production actuelle et si les CD n’ont pas le goût inimitable de mes vinyles d’antan, ils ont au moins le mérite d’archiver et de perpétuer la trace de cette musique que je chéris tant. Oui encore oui, 68 aura été une bonne et grande année !