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04/03/2010

Fantôme en mémoire

Pourquoi me revient-il en mémoire, de temps à autre, le souvenir de cette silhouette mystérieuse croisée régulièrement lors de mon séjour à la Nouvelle Orléans en 1995. Quinze ans ont passé mais ce fantôme hante toujours ma mémoire.

Je me cite sans vergogne aucune puisque c'est mon droit,  « Dans la ville, depuis mon arrivée, j'ai repéré des gueules. Le saxophoniste devant le Café du Monde, celui qui est sur le débarcadère, les gamins en bandes qui font des claquettes et le type étrange qu'on voit partout le soir, 2 mètres de haut, cheveux très longs, tout en noir avec un chapeau haut-de-forme et du rimmel aux yeux! »

Dans la journée je ne le voyais jamais, pourtant j'arpentais le Quartier Français de long en large et de la cathédrale jusqu'aux rives du Mississipi. Peut-être fuyait-il l'ardeur du soleil, du reste sa tenue aurait certainement semblée incongrue en pleine lumière. Son look gothique déambulant le long des murs blancs de la cathédrale Saint-Louis dès que tombait la nuit distillait une odeur sulfureuse et maléfique qui ne surprenait guère en fait, puisque nous étions au pays du Vaudou et que dans les ruelles avoisinantes, des échoppes minables chichement éclairées d'un lumignon vacillant laissaient apparaître par leurs portes entrouvertes des colifichets pendants aux murs, des statuettes sataniques et grimaçantes, des fioles aux contenances non identifiées, tout une quincaillerie d'apprenti sorcier émergeant à peine des volutes d'encens brûlant à toutes heure, entretenus par de vieilles femmes noires, maigres et noueuses comme des arbres morts. Quand tard le soir nous étions déjà demain et que les derniers touristes avaient regagné leurs hôtels, je n'osais plus m'aventurer dans ces zones mystérieuses aux confins du surnaturel peut-être.

Dieu en son église et Diable dans les ruelles quadrillant le quartier se disputaient la propriété de mon âme, ricanant tous deux de mon effroi tandis que je hâtais le pas pour rejoindre ma chambre, changeant de trottoir quand au loin j'apercevais un corps étendu devant une porte en fer forgé donnant sur un patio fleuri hispanisant ou bien encore à l'approche de deux épaves magouillant je ne sais quoi dans le caniveau entre deux Chevrolet garées là depuis on n'aurait su dire quand.

Toujours seul, mon fantôme ne rechignait pas cependant à entrer dans les bars aux comptoirs des quels, lui comme moi, écoutions des groupes de blues en sirotant notre bière. J'étais de passage, lui semblait là pour toujours.