04/02/2012
Roger Vailland : Drôle de jeu
Roger Vailland, écrivain français (1907-1965) fondateur d’une revue surréaliste (Le Grand Jeu), il s’affirma dans ses romans (Drôle de jeu, La Loi) et son théâtre comme un moraliste ironique. Son roman Drôle de jeu paru en 1945 a reçu le Prix Interallié la même année.
Le bouquin se déroule dans le Paris de l’occupation et nous décrit la vie quotidienne d’un tout petit groupe de jeunes résistants. Marat, pseudonyme de François Lamballe, 36 ans, le narrateur et chef de groupe, Rodrigue un romantique de 21 ans et Frédéric un quasi gamin, « il est puceau ». Côté féminin, Chloé et Annie, mais dans leur mouvance il y a aussi Mathilde « une grande brune un peu mûre », une ex de Marat, jolie femme vénéneuse aux relations troubles avec des officiers allemands et des collabos, qui amènera le drame.
Roger Vailland, résistant lui-même, connaît parfaitement les arcanes de cette vie dans l’ombre, les rendez-vous secrets, le cloisonnement entre les membres d’un groupe pour en assurer la sécurité maximum, les messages et les rapports transmis aux instances supérieures, les pseudonymes et les logements anonymes, toute une culture du secret et de la clandestinité.
Paris est occupé, la population souffre des restrictions alimentaires, mais des adresses connues des initiés seuls permettent de dîner aussi bien ou presque qu’avant guerre si on en a les moyens, s’y croisent mouchards, femmes vénales, occupants et résistants. Marat, sorte de dandy libertin toujours à l’aise, s’y faufile avec souplesse et y mène comme les autres, un drôle de jeu où se mêlent cyniquement la mort et la séduction amoureuse.
Le roman est divisé en cinq chapitres, cinq journées non consécutives. Le rythme est enlevé, il est même léger si on considère le sujet, la lecture rapide. Aux évènements de la journée racontés par Marat, s’intercalent ses pensées ou des extraits de son journal, l’occasion pour Vailland de distiller des réflexions politiques (« Le révolutionnaire est celui qui ne se résigne pas au malheur de l’homme ») ou psychologiques et surtout des méditations sur les grands thèmes de nos existences, la vie/la mort, l’amour.
« Oui, tout ce jeu que vous faites semblant, les uns et les autres, de prendre au sérieux… Car enfin, vous jouez… j’imagine que vous, vous êtes assez cynique pour l’avouer… en petit comité… le curé joue au chef de bande : le Roi des Montagnes, Edmond About lui a tourné la tête, il choisit mal ses auteurs… poser des bombes au clair de lune, faire dérailler un train, c’est évidemment un jeu passionnant… même pour un curé. Frédéric s’excite d’une autre manière : il joue à la Révolution, c’est lui l’Incorruptible, il s’imagine Robespierre comme les gosses s’imaginent chauffeurs de locomotives ; en fin de compte il joue au même jeu que le curé, tous les jeux de garçons se ressemblent, il s’agit de bousiller le canapé du salon, le train de von X… ou le monde bourgeois. »
Roger Vailland Drôle de jeu Le Livre de Poche
07:00 Publié dans Livres | Tags : littérature, roger vailland, drôle de jeu | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | | |
Les commentaires sont fermés.