27/08/2008
San Francisco
MERCREDI 8 JUIN 1994:
Il est 10h30 pour San Francisco, l'avion part de Roissy. L'année dernière pour New York c'était Orly. Le Boeing 747 est plein. Je suis dans la travée du milieu, au bord de l'allée. Il y a une heure qu'on vole et première rincée. Boissons diverses et cacahuètes. Je vole sur Delta Airlines. De l'autre côté de l'allée, côté hublot, un couple s'est installé pour un long voyage, chaussures retirées, ils parfument le secteur d'un fumet délicat ! J'imagine qu'ils marquent leur territoire, comme des bêtes.
A peine deux heures d'écoulées et j'ai lu mon Libération : un accident d'avion en Chine a fait 160 morts ! C'est parfait pour le moral ! J'ai branché mon mini-casque et j'écoute un programme de rock. On nous a déjà distribué le menu des deux repas de la journée. Ca tombe bien j'ai une petite faim. Alors ! Ca vient la bouffe ?
Au départ de Paris l'organisation était impeccable, simple et rapide, sachant que pour les USA il faut satisfaire à tout un tas de questions personnelles.
Les plateaux-repas ont été distribués et engloutis. Le couple en chaussettes ne s'en est pas contenté, ils avaient leurs propres provisions de bouche. Pain de campagne et poivrons rouges font de leur campement un taudis de miettes et de sacs en plastique. Quand l'hôtesse passe avec le café, une anglaise réclame de l'eau chaude pour faire infuser son sachet de thé.
Le plan de vol est le suivant, Paris, Ecosse, Groenland, Canada et San Francisco. Nous survolons le Groenland à faible altitude, il y a du soleil, c'est magnifique.
L'avion est confortable comme un TGV, ni plus ni moins de place. On est là pour 12h, ne pas s'impatienter, rester cool ! Il est 14h30 le film commence, c'est le dernier Robin Williams, "Mrs Doubtfire", où il se déguise en mamie pour garder des gamins... Ca casse rien mais il y a pire. Comme pour la "dernière séance", un second film avec Paul Newman, hélas! En version originale non sous-titrée.
Vers 18h, Mr et Mme Chaussettes déballent leur casse-croûte, gros pain, fromage, tomates et carottes crues. Et je coupe, et j'étale et je ronge, j'en fous partout sur ma tablette et mes genoux, jus de tomates et miettes... Ceux-là faudrait les filmer ou les exposer dans le Grand Zoo Humain. Finalement dans l'avion, sur chaque siège tout le monde a recréé son petit chez lui. Et chaque fauteuil est comme un mini-appartement, sans murs. Etonnant à observer.
Il est 21h30 quand l'avion se pose à San Francisco (12h30 heure locale). Il fait beau et chaud. Sortie de l'aéroport ultrarapide, je prends un shuttle, van Toyota de 6 places, qui me jette à mon hôtel en une petite heure de route, car je suis le dernier à descendre du taxi.
Au Californian Hotel ma réservation est inconnue ! J'attends un moment et tout fini par s'arranger. Je monte dans ma chambre et je m'écroule sur le lit.
Première sortie dans le quartier à Union Square. Impression mitigée, magasins de luxe comme Macy's, banques et jeunes cadres proprets autant qu'affairés côtoient homeless et traîne-savates en tout genre. Dans une rue proche de mon hôtel, une boîte sordide de strip-tease et des sex-shops crasseux. Il n'y a même pas le strass et les paillettes de Pigalle. Je pense à Trafalgar Square à Londres.
Je me ballade jusqu'au bout de Market Street, Embarcadero et la mer. C'est le port de San Francisco. Une tour avec un carillon joue la musique du film "Le Parrain". D'ici, partent les ferries pour Sausalito. Statue de Gandhi ! Pêcheurs à la ligne et goélands. Un très grand pont à deux étages, le Bay Bridge, mène à Oakland.
19h, je suis crevé, je suis debout depuis 28h !!! J'ai faim, le premier restaurant venu fait l'affaire, Original's Joe.
Spaghettis et hamburger avec une Coors glacée pour faire glisser. C'est un restaurant italo-américain, grande salle avec un comptoir qui court le long d'un mur, petits box avec banquette en cuir. Sur les tables, le ketchup, la moutarde et les sauces pour les steaks. La commande passée, le garçon amène le traditionnel verre d'eau glacée. Au fond de la salle, une grosse TV diffuse en sourdine un match de basket-ball.
A deux pas de là, sur le trottoir, une table pliante et deux pliants où des aides sociales distribuent des seringues à des toxicos qui se hâtent vers ce lieu de rendez-vous habituel, j'imagine.
JEUDI 9 JUIN :
Le jet-lag m'a cassé, fatigué je me suis couché tôt mais à 3h30 j'étais réveillé. J'ai allumé la TV, il n'y avait que des conneries. Dehors les lumières de la ville et les silhouettes dans les rues (je suis au 11ème étage) indiquaient que la vie était encore active. J'ai sommeillé jusqu'à 6h30 et debout ! Il y a une cafetière dans la chambre, petit café, douche, infos à la TV et à 7h30, en route !
Je prends un petit déjeuner sur Jones Street où, enfin ! Je retrouve mes fameux pancakes. Quel régal ! Je ne suis revenu aux Etats-Unis que pour ça. Une assiettes de pancakes, servis par 3, et un café. Mes aïeux ! Quel bonheur !
Les 3 crêpes sont énormes, aux cerises, avec un pot de sirop. Je préfère ne pas finir l'assiette... c'est dire !
L'estomac lesté, ma première vraie sortie est évidemment pour Haight-Ashbury où sont nés les hippies vers 1967.
Je prends le métro, ligne N, sur Market Street près d'Union Square. Le plan n'est pas aisé à lire mais les gens sont sympas et j'ai l'expérience de New York. Le métro est neuf et propre. Il roule soit en sous-sol, soit en extérieur sur la route comme un tramway. Amusant.
Quartier très sympathique par sa verdure, Panhandle Park et Buena Vista Park, odeurs de conifères et de plantes comme en Corse. Petites maisons à un étage peintes de couleurs vives, fleurs et plantes diverses. On voudrait vivre dans ces maisons.
"C'est une maison bleue, accrochée à la colline... " Je comprends mieux la chanson de Maxime Leforestier.
Boutiques de disques, tarots, t-shirts psychédéliques etc... Par contre, là aussi, épaves zonant au coin des rues, passants au regard éteint ou halluciné, parlant tout seul et se traînant dieu sait-où . Le vieux rêve du "peace and love" en sort un peu sonné.
Il fait chaud. Agréable, aux USA on trouve une grande variété de jus de fruits en bouteilles de toutes tailles chez les épiciers. Pour moi ce sera orange papaye. Je sillonne tout le coin à pied et je poursuis sur Castro, au sud.
C'est le quartier gay de San Francisco et on en voit de tous les genres : coupe en brosse et moustache, body buildés, petits timides à cheveux ras, cuirs, vieilles tantes liftés etc... Dans un bar, un vieux travelo discute d'une voix rauque avec un pédé à moustache.
Là aussi, belles maisons et boutiques à la mode. Partout, comme dans toute la ville, des drapeaux aux couleurs de l'arc-en-ciel, l'étendard gay. Je quitte Castro par Market Street et la 16th avenue et je flirte avec le quartier chicano.
Je passe devant Mission Dolores, l'une des plus vieilles églises de Californie, toute blanche sous le soleil qui tape. Avec les palmiers dans l'avenue, on pense au Mexique, ou bien, plus prosaïquement, au feuilleton TV Zorro et au sergent Garcia. Les gens dans la rue parlent espagnol, les commerces sont sud-américains, une affiche publicitaire pour Gatorade est écrite en espagnol !
Plus loin, sur Mission Street, c'est encore la zone, corps allongés sur les trottoirs et dans les encoignures de portes d'immeubles, petits machos chicanos bruns à fine moustache, muscles ronds sous le débardeur, guettant ou traînant sans but précis.
Je prends le bus pour me rapprocher de la station du Cable Car, le fameux tramway de San Francisco. J'emprunte la ligne de Powell Street, la plus longue et la plus belle. Les montées sont rudes et les descentes périlleuses, mais comme la voiture roule lentement il n'y a pas de frissons. Ce n'est pas la Foire du Trône, encore moins, le film Bullit.
Powell Street file directement vers la mer mais on ne la découvre que brusquement en émergeant en haut d'une côte avant une plongée spectaculaire. La vue est superbe sur la baie de Frisco, ses navires et le Golden Gate avec au milieu Alcatraz immobile, comme un énorme tanker à l'amarre.
Je fais l'aller-retour d'une traite, tant le trajet est agréable, puis direction la Transamerica Pyramid, un building pointu, originalité de la ville. D'un coup d'ascenseur je me trouve au 27ème étage avec vue sur la baie.
Je continue ma route sur Coït Tower, en passant à la lisière de Chinatown. Les rues grimpent sévèrement pour parvenir à la tour. J'ai chaud mais le vent est agréable et la vue, de la tour, coupe le souffle. Devant mes yeux ébahis, à gauche Golden Bridge, à droite Bay Bridge et face à moi Alcatraz, le pénitencier mythique. Derrière le Golden Gate, le Pacifique et au bout du pont, Sausalito où je pense aller bientôt. C'est superbe et je réalise là un vieux rêve, voir l'océan et le fameux pont rouge de Frisco. Le mythe américain, des conquérants du nouveau monde à Jack London, tout est résumé à cet instant.
Sur la placette au pied de la tour, une statue de Colomb. Séché et reposé, je prends un car qui me dépose au port, à Fisherman's Wharf. Quelques bateaux de pêche, les derniers de San Francisco. Dans les eaux du port, des phoques évoluent à la recherche de leur nourriture. Sur les quais, boutiques de souvenirs et de bibelots, marchands de bouffe, offrant barquettes de crabe ou crevettes à consommer sur place ou à emporter.
A l'extrémité du port, une petite plage de sable fin devant le square Ghirardelli avec une très belle pelouse en pente douce. Je mange une assiette du pêcheur dans un snack avant d'enquiller une autre ligne de Cable Car pour retourner à mon hôtel. Il est 20h, je suis crevé et j'ai des coups de soleil sur les bras. Hier j'étais un peu perdu dans la ville, mais ça y est j'ai trouvé mon rythme et je quadrille la cité à mon aise.
VENDREDI 10 JUIN :
Petit déjeuner au Dottie's True Blue, la salle est toute petite, une dizaine de tables, nappes à carreaux bleus bien sûr. Ventilateur de plafond, bonne musique, c'est coquet ! Il est 8h je commande mes pancakes. Ici, ils sont merveilleux, très légers (mais je ne finirai pas l'assiette) saupoudrés de sucre glace et délicatement parfumés à la cannelle. Une très bonne adresse. Comme partout le café est à volonté, mais il n'est pas terrible... Les serveurs blacks, genre « mignons » parlent deux mots de français et connaissent un peu Paris (le BHV et sa coupole, le Centre Pompidou).
Ma journée débute par une visite à Sausalito, petite ville située de l'autre côté du pont. J'y vais en bus et reviens par le ferry. Par très simple de trouver le car pour Sausalito mais une fois dedans, quel confort ! Vitres teintées, climatisation et très peu de voyageurs.
Traversée de la ville et du parc du Presidio (voir le film du même nom avec Sean Connery) et enfin, le fameux Golden Gate. Repeint tous les ans en rouge brique il est majestueux et se dresse entre le Pacifique et la baie de San Francisco. La traversée du pont est trop rapide mais ce sera un souvenir éternel.
Sausalito évoque les villes de la Côte d'Azur, une rue commerçante qui longe la mer, bateaux amarrés dans le port. Sur les hauteurs de la ville, de belles villas noyées dans la verdure, à l'abri du soleil, ont accès au centre ville par des ruelles pentues. A voir, la fontaine publique nommée "C'est ma tournée Sally" et la fontaine aux éléphants dans son petit jardin.
J'achète un yaourt glacé pêche-pina colada et je le déguste à l'ombre, sur l'embarcadère, en attendant le ferry du retour. La traversée en bateau est un luxe peu onéreux. A tribord, le Golden Gate, à bâbord, tout près de nous, Alcatraz et dans l'axe de la proue, se rapprochant lentement San Francisco et sa Transamerica Tower.
Arrivé à terre, d'un coup de Cable Car, je rejoins Van Ness avenue et le Hard Rock Cafe. Achats de souvenirs et une petite bière au milieu des guitares offertes par les stars du rock. Il y a même une mèche de cheveux des Beatles !
Retour tranquille à l'hôtel, il est 17h. Douche, lecture du journal qui confirme mes impressions, record de chaleur approché pour Frisco, près de 30°. Au frais j'en profite pour écrire mes cartes postales.
Fin d'après-midi, je retourne à Haight et Ashbury. Il y a plus d'animation qu'hier matin. Je déambule le long de Haight, sur les trottoirs, la même faune qu'au Forum des Halles. Les homeless omniprésents, côtoient des jeunes au look destroy mais surtout à l'allure pas claire... On ne sent pas les fameuses "good vibrations". Si pour le décor c'est un peu le Bleeker street de New York, on est loin de la bonne ambiance qui y régnait l'an passé.
Boutiques de disques, fringues, librairies, galeries d'art psychédélique, échoppes de piercing, Haight est devenu le point de rencontre des babas mous tombés dans le caniveau. "The dream is over". C'est assez pitoyable.
Je prends un bus pour m'éloigner de cette fange et c'est un peu le même tableau. Une black complètement stoned, le regard éteint, dodeline de la tête complètement absente. J'avais pris un bus au hasard, j'en descends dès que je reconnais l'avenue qui passe près de mon hôtel. Là encore, sur les trottoirs, la misère s'étale, partout des corps étendus ou à la dérive, des mains qui quémandent, des types qui poussent des chariots, qui fouillent des poubelles déjà pillées avant eux. Des éclopés, des envapés... à ce rythme, dans quelques années la différence avec Calcutta sera bien faible.
L'année dernière à New York je n'avais pas vu tous ces abandonnés de la société et ça m'avait étonné, mais les voir ici, ça me surprend, ça me choque même. Du coup, pour me retaper, je vais casser une graine dans un chinois et pour finir la soirée, une virée nocturne en Cable Car. Ca c'est super ! La nuit tout le monde déconne dans le tramway et en plus il va plus vite, car il y a moins de monde sur certains secteurs. A magical mystery tour !
SAMEDI 11 JUIN :
Brouillard sur la ville au réveil. Aujourd'hui Chinatown est au programme. Au carrefour de Bush et Grant un portique chinois signale l'entrée du ghetto asiatique.
Je flâne au hasard des rues, maisons aux toits de pagode et aux balcons peints en rouge, jaune, vert, cabines téléphoniques en forme de pagodes elles aussi.
La population affairée fait ses courses. Marchands de légumes exotiques ou inconnus. Odeurs étranges. Boutiques de produits séchés tels que des ailerons de requins, des cornes ou des pénis (!) séchés, utilisés en cuisine ou en aphrodisiaques. Echopes détaillant le ginseng séché râpé dans des bocaux. Un commerce à ne pas rater, ce sont les poissonneries. Un must dans les communautés asiatiques, ici, on trouve des crabes bleus, des poissons-chats, des tortues énormes, des grenouilles vivantes... Tout fait ventre chez les chinois. Chez les traiteurs, certains plats laissent rêveurs ou du moins dubitatif.
Les vendeurs de journaux, installés à même les trottoirs, vendent la presse asiatique et de nombreuses revues coquines ainsi que le Playboy en chinois !
Dans un square, des petits vieux embarbichés, jouent au ma-jong alors que d'autres méditent au soleil. Le quartier est vivant sans exubérance, les Chinois vivent leur vie, parlent leur langue, imperméables aux blancs qui les visitent. Pas de mendiants ni d'éclopés dans les caniveaux de leurs quartiers, solidarité de classe ou de race, orgueil de ne pas déchoir, sauver la face au moins ? Comme à New York, Chinatown est un de mes quartiers préférés. On ne sent pas de mauvaises vibrations ici. Je goûte au jus de mangue et au sirop de canne à sucre, râpée devant moi. Ca se boit, mais sans plus, agréable lors des grosses chaleurs, j'imagine.
Il fait frais aujourd'hui, le brouillard joue avec le soleil et à Union Square, la communauté russe donne une fête. Sur un podium spectacle folklorique, stands culturels et de dégustation de produits typiques.
Visite au Golden Gate Park, à l'autre bout de la ville. Un tour rapide car c'est trop grand pour être visité d'un coup. Il s'agit d'une sorte de grand Bois de Boulogne, avec dans la partie que je visite, un muséum des Sciences, un aquarium et un jardin japonais aux plantes rares. En fait, le parc est découpé en différentes zones qui chacune présente la flore d'une région du monde.
Je caille un peu et je passe à l'hôtel chercher un pull avant de repartir pour Fisherman's Wharf.
Sur le chemin, je passe par Lombard Street une des rues les plus célèbres de San Francisco. La rue en sens unique, descend en une pente si raide qu'il a fallu la construire en lacets serrés jamais vus ailleurs, l'espace entre deux lacets ne laisse la place que pour une seule voiture !
Les bas-côtés sont magnifiquement fleuris d'hortensias, c'est superbe et tous les touristes en font un point de passage obligatoire avec photos à l'appui.
Sur Fisherman's Wharf, je déambule une barquette de salade de crabe à la main. Un sous-marin est amarré au quai alors qu'à l'extrémité du port, une fête de bateleurs attire les foules. Dans un bar proche, un groupe de blues attire mon attention, je rentre et commande une bière. Le groupe est bon et reprend tous les airs des 60's et 70's qui constituent le fond de ma discothèque. Nous sommes une dizaine dans le bar, c'est génial.
Bientôt vient l'heure de dîner, à l'unanimité je vote pour un repas chinois dans Chinatown, comme ça la journée sera complète. Du port je prends Powell Street que je commence à bien connaître, car où que j'aille je croise cette rue. A pied ça fait une trotte, surtout qu'il ne faut pas perdre de vue que les rues montent et descendent toujours, parfois avec un pourcentage ahurissant... Je mets 40mn pour atteindre la zone, je choisis un restaurant au hasard, le Grand Palace. Bœuf au pois et champignons, mes aïeux, la gamelle ! A Paris il y en aurait pour trois
personnes ! Aux USA les portions sont toujours énormes, néanmoins j'ai tout mangé car c'était très bon.
DIMANCHE 12 JUIN :
8h30 encore du brouillard, c'est normal à San Francisco, mais le beau soleil des premiers jours, dès le petit matin, moi je m'y étais habitué.
Je prends le BART pour la 24ème rue, le quartier hispanophone. Le BART est une sorte de RER très confortable, moquette, fauteuils comme au cinéma, air climatisé. Sur le quai, une TV donne les infos et la météo. Dans mon wagon, un type look Rambo, grande croix en pendentif, anneaux plein les oreilles, cheveux rasés et à la ceinture un poignard qui lui descend à mi-cuisse !
J'erre dans le quartier hispanique à la recherche des "murales". Typique de la culture sud-américaine moderne, ce sont de vastes fresques murales peintes de couleurs vives, avec un thème ou racontant une histoire. A ne pas confondre avec les tags ou les graffitis.
Beaucoup d'habitants du quartier ne parlent que l'espagnol ! Il a fallu que je m'y reprenne à plusieurs fois pour demander mon chemin, de plus par ici, les femmes semblent craintives et sont réticentes à répondre à mes questions. L'endroit ne semble pas respirer l'opulence.
Je fais quelques photos des "murales" et je file sur Ashbury car j'ai lu dans le journal qu'il y avait fête aujourd'hui.
Whaou ! La rue est condamnée sur 1km et sur les trottoirs, stands d'artisanat, bouffe en tout genre, pétitions à signer "Sauvons la terre" "Epargnons les rats musqués" etc..., un stand vend des joints au détail. Tous les hippies sont de retour, ça grouille de monde, les gens sont aux fenêtres ou sur les toits, mangent ou boivent assis dans le caniveau. Musiciens de rue de loin en loin sur la chaussée et à chaque extrémité de la rue un podium pour les groupes de rock. Bonne ambiance et service d'ordre discret. Les "4 Non Blonde" et "Stones Foxes" groupes féminins, se succèdent pour nous asséner un rock speed. Rien que la foule vaut le déplacement, tout le monde est cool et chacun y va de son look personnel, même si on peut distinguer quelques chapelles. Le piercing fait pas mal d'adeptes. Quelques vieux babas profitent de l'occasion pour sortir de leurs trous et se retrouver au goût du jour.
Vers 15h un fort vent se lève et le brouillard devient plus bas, comme une fumée. Odeurs de nourritures, d'encens, de bière se mélangent dans le fracas des guitares électriques !
Je quitte Haight par Page Street une rue tranquille, maisons à un ou deux étages, le perron avec la porte en bois, bow-windows ces fenêtres à guillotine typiques, parfois l'oriflamme arc-en-ciel des gays. La rue est bordée d'arbres à fleurs rouges très courant ici.
J'arrive à Alamo Park, petit square sur une butte qui domine la ville, endroit paisible pour une petite halte.
Détail amusant, le dimanche, les gens vident leurs greniers sur les trottoirs, devant leur maison et vendent leurs surplus !
Retour à l'hôtel vers 17h30, en passant par Japan Town, moins folklorique que Chinatown car plus riche. Grand centre commercial et culturel, c'est clean, même un peu trop.
Après une douche et un repos bien mérité il est temps de penser au repas du soir. Il y a tant de possibilités que c'est compliqué de choisir. Comme j'ai mangé chinois hier, j'opte pour un grill et un méga steak avec une Michelob glacée.
Aux USA on est toujours sollicité pour manger ou boire et dans les rues les gens ont souvent un verre à la main. Verre en plastique de café ou soda, bouteille en verre de jus de fruits. Même les cadres bon chic-bon genre se baladent avec leur godet dans une main et l'attaché-case dans l'autre. De plus il faut faire des efforts pour résister à la tentation d'une part de pizza, une glace crémeuse, un sandwich exotique ou un gâteau quelconque... Pas étonnant qu'ils soient si gros dans l'ensemble. Et aux portes de ces usines à bouffe, une multitude tend la sébile pour obtenir une petite pièce...
J'écris cela en attendant mon steak, quand on est seul au restaurant, écrire passe le temps et donne une contenance. Enfin ma viande arrive, une merveille épaisse et moelleuse servie avec une énorme pomme de terre en robe des champs, gorgée de beurre salé et de petits légumes.
Un plat pas très original mais quel régal ! Je racle le fond de l'assiette. Après un tel gueuleton, il me faut de la bonne musique. A côté de mon hôtel, le Blue Lamp, un vrai bar américain comme dans les films. Un énorme comptoir qui fait toute la longueur du bar avec une TV en bout qui diffuse un match de base-ball, un billard dans une pièce adjacente. Au fond de la salle une mini-estrade symbolique pour un groupe de blues. Ce soir jam session, ils se relaient pour interpréter des classiques, ça me coûte une bière et c'est tout. Sacrée soirée ! Au bar, un type en redingote, chapeau haut-de-forme avec une plume, lunettes noires, barbichette de 40cm ! Les mains tatouées comme des gants, les tatouages remontant jusqu'au cou. Bon esprit !
LUNDI 13 JUIN :
Nouvelle adresse pour le breakfast ce matin. Décor rétro des 50's, style American Graffitis, vieux postes de radios, juke-box, sur les murs de vieilles revues de cinéma, serveuses en socquettes blanches. Un peu bruyant pour le matin...
Au carrefour de Colombus et Kearny, un vieil immeuble retapé avec un dôme vert, Francis F. Coppola y a installé sa maison de production. Je remonte Colombus Avenue, à ma gauche Chinatown et à droite le quartier italien. Comme à New York les deux quartiers sont mitoyens.
Il est 11h, l'odeur du café torréfié se répand dans les rues, au café Roma, murs remplis de cadres d'artistes, chapelets d'ail pendus au plafond. Un peu plus haut, le fief de la culture beat avec le café Vesuvio et la librairie City Books Light Store. Ici se réunissaient dans les années 50', Jack Kerouac, Williams Burroughs et les autres écrivains qui inspirèrent la beat generation puis dans les années 60' les hippies.
Washington square, grande pelouse entourée d'arbres et de bancs devant une église blanche à double clocher. Quelques vieux chinois y font leur gymnastique, le tai-chi.
Je repasse par Lombard Street, la rue aux lacets fleuris et j'arrive au port, à Ghirardelli. C'est une ancienne chocolaterie transformée en centre commercial, boutiques, petites cours fleuries, bancs et restaurants. Reconversion réussie.
Je poursuis ma promenade sur les quais jusqu'à Fisherman's Wharf. Au pier 39, des pontons spécialement réservés aux otaries et éléphants de mer de la baie. La vue est belle sur la mer, le Golden Gate Bridge, Alcatraz, Sausalito au loin et le Bay Bridge en un long panoramique.
Un maraîcher vend sa production sur le quai, entre autre, des fraises grosses comme le poing !
La Californie est bien cette fertile qui faisait fantasmer les immigrants.
Retour à l'hôtel pour une pause et faire le plein de monnaie, il ne me reste que deux dollars...
Ce qui est bien aux USA avec le fric, c'est qu'on a l'impression qu'on est riche. On n'utilise que les billets et j'ai du mal à écouler ma petite monnaie. On sort sa liasse de billets pliés en deux dans la poche, billets classés par taille c'est à dire par valeur, les plus gros à l'intérieur de la liasse pour ne pas tenter le monde...
Après cette pause et un cookie, je visite les grands magasins qui sont regroupés près d'Union Square : Macy's et Magnin & Nordstrom, genre Galeries Lafayette, ils offrent les marques de luxe, Calvin Klein, Ralph Lauren, Armani etc... L'agencement intérieur est remarquable, très peu de panneaux et toujours très discrets, ils n'en sont que mieux lisibles. L'air est parfumé et bien qu'il soit 18h, il n'y a pas grand monde. J'avais déjà remarqué cela à New York, y a t il parfois foule dans ces magasins ?
Nordstrom est peut-être le plus beau, dix étages autour d'un centre évidé, surmonté d'un dôme. Des escalators circulaires s'élèvent autour de ce vide jusqu'au dernier étage. Les trois premiers niveaux sont constitués de boutiques individuelles et le reste constitue le magasin. A chaque étage des fauteuils pour se reposer, plantes vertes et jets d'eau. Pas de sonorisation tonitruante, ni d'annonces publicitaires, juste un peu de piano, discret, c'est classe !
Il y a tellement de magasins rigolos que ce serait trop long à raconter. Je citerai un magasin WB qui vend tout le merchandising des dessins animés de Warner Brothers, Bug's Bunny, Titi et Gros Minet etc... Vêtements, assiettes, dessins encadrés, livres, le magasin fait deux étages. On achèterait bien toutes ces conneries. Un écran géant diffuse des dessins animés en boucle.
Toutes ces marches, ça creuse, ce soir on dîne japonais. Petit restaurant avec des lampions colorés, décor sombre dans l'ensemble. Je prends un plat de bœuf aux œufs. Dès mon entrée, avant que je ne passe ma commande, on m'a servi un thé vert. Mon repas est apporté sur un plateau en bois laqué noir et rouge et me sert de set de table. Un petit bol de soupe, une coupelle de raifort et un petit saladier de riz couvert de bœuf en lamelles, œufs brouillés, oignons et carottes râpées. Avec une bière Asami j'ai la panse pleine.
Ce qui est bien avec les japonais, c'est qu'ils exposent leurs plats en vitrine, comme ça on peut se faire une idée de ce que l'on va commander, ce qui n'est pas toujours évident...
Je suis crevé, comme tous les soirs, demain j'irai à Berkeley et il devrait faire encore plus chaud d'après la météo de la TV.
MARDI 14 JUIN :
Grand beau temps sur la ville, il est 7h15, je branche la TV sur les infos et je me prépare un café. A 8h30 je commande mon breakfast habituel, strawberries pancakes, jus d'oranges et café. Je baffre les trois crêpes pleines de confiture de fraises, nappées de crème Chantilly avec une boule de beurre salé fondant.
Je prends le BART pour Berkeley situé de l'autre côté de la baie. Confort, luxe, rapidité, nous passons sous la baie et je suis directement sur le campus. La zone universitaire est imposante avec des pavillons pour chaque discipline, des musées, des librairies, un théâtre grec antique réplique de celui d'Epidaure. Des pelouses grasses où je me vautre pour prendre ces quelques notes, des sapins odorants et plein d'écureuils qui cavalent à droite et à gauche. Si le mot "cool" veut dire quelque chose, c'est ici qu'il prend tout son sens.
A voir, Sather Gate, la porte de bronze donnant accès au campus, ainsi que Sproul Piazza et Telegraph Avenue. Là, c'est moins calme, agitation estudiantine, ambiance baba ! Joueurs de flûtiaux et tablas, étals de bijoux cheap, disquaires, librairies, taquerias (comptoir de bouffe mexicaine), vendeurs de t-shirts psychédéliques...
Retour à San Francisco et Fisherman's Wharf, j'y achète quelques souvenirs et je traîne sur les quais à regarder la mer, Alcatraz et les phoques. Selon les heures et le soleil, le décor évolue et le charme opére. En me retournant je contemple San Francisco à flanc de collines, Coït Tower et la Transamerica Tower.
Repas à Chinatown, je prends un crabe frais au curry. C'est servi avec un petit bol de soupe et un pot de riz. Je m'en lèche les doigts, au propre comme au figuré.
Je finis la soirée au Blue Light avec des blues acoustiques. Les clients sont les mêmes qu'avant hier, une quinzaine d'habitués.
MERCREDI 15 JUIN :
Je sors d'un sommeil profond comme un coma, la tronche froissée comme un vieux Kleenex, j'allume la TV et prépare un café. Le soleil brille toujours et mon carnet de notes est presque plein. Ca tombe bien, c'est mon dernier jour à Frisco.
Le Libération (édition de lundi) vient d'arriver en ville et je vais pouvoir connaître les résultats des élections Européennes.
Petit déjeuner chez Sears sur Powell Street, je suis installé au comptoir. Certains se tapent des omelettes monstrueuses garnies de trucs incroyables. Mes pancakes, réputés ici, sont très fins mais un peu légers, je m'étais habitué à une assiettée plus consistante. Le pancake ne doit pas être une mignardise matinale, au contraire, il faut de la quantité, du volume, du poids dans l'estomac, ce n’est pas de la biscotte d'anémié, c'est de la gamelle de camionneur ! Bon sang !
Visite du jour, un dernier tour au Golden Gate Park. Je pars sur Sacramento Street et la 30ème avenue. Le quartier est superbe, de petites maisons individuelles avec leur pelouse devant le perron, pas un bruit, repos total et au détour d'une rue, la colline offre une superbe vue sur le Golden Gate au soleil. Ca me tue tant c’est beau !
Je descends vers le parc qui s'étend sur 5km de long et 1km de large. Je vais voir les bisons dans leur vaste enclos, on les croirait en liberté. Des lacs, des conifères américains odorants, des clairières de pelouses grasses avec des tables en bois pour le pique-nique et le barbecue. Je m'y repose pour prendre quelques notes. De son arbre, un faucon pèlerin me fixe. Moi aussi !
Visite du jardin japonais, j'adore ce type de jardin, un vaccin de sérénité procuré par le choix et la disposition des plantes, des pierres et de l'eau. Harmonie.
Mais il faut revenir au vulgaire, un bon hot dog américain vendu nature, pain et saucisse. On se sert en pickles, oignons, ketchup ou moutarde. C'est délicieux mais léger.
Je prends un bus au hasard et je le quitte en bout de ligne. Il passe par les extérieurs de la ville et termine sa route à Portrero Hill, là j'emprunte une correspondance pour mon hôtel. Je demande au réceptionniste de téléphoner pour me réserver une navette à destination de l'aéroport, demain matin. Je prends une douche, fais mon sac et feuillette mon journal. Mon dernier repas sera japonais, bien moins cher qu'à Paris. Service délicat sur un plateau de bois, les aliments sont conservés au chaud dans des boites en bois ou des petits bols fermés.
JEUDI 16 JUIN :
Il fait déjà beau quand je me lève, mon sac est prêt depuis hier soir, je sors engloutir mes derniers pancakes, j'en veux des copieux que je noie sous le sirop de maïs.
Un dernier tour du côté d'Union Square, Powell Street, Grant Street où j'achète le journal puis retour à l'hôtel.
Je rends ma clé, la navette de l'aéroport passe me prendre, il est 10h45, l'avion est prévu pour 14h, j'arriverai à Paris vendredi............
20:39 Publié dans Voyages | Tags : san francisco, castro, golden gate | Lien permanent | Commentaires (1) | Facebook | | |