11/02/2007
Colmar
A croire que c’est devenu une habitude, mais quand approche la fin de l’année, Le Corbeau déploie ses ailes et s’envole vers l’est et ses marchés de Noël pour revivre pendant quelques jours, les joies de l’enfance et s’émerveiller devant les illuminations de la période festive.
En décembre dernier, c’est sur Colmar que mon gros doigt boudiné s’est fixé quand examinant minutieusement la carte de l’Alsace je cherchais un point de chute pour assouvir mon désir de sapins illuminés et de pains d’épices. En deux temps, trois mouvements, le billet de TGV et la réservation d’hôtel dans ma poche, je filais vers la frontière confortablement assis dans le long suppositoire d’acier qui s’enfonçait dans les provinces françaises. Un rapide changement à Strasbourg pour emprunter un plus modeste carrosse et j’arrivais enfin, sous le soleil, dans le chef-lieu du département du Haut-Rhin.
Les formalités hôtelières réglées, un plan de la ville en poche, je me lance à la découverte de Colmar par une balade dans la vieille ville, sans trop m’attarder nulle part, en repérage. Il fait beau mais aussi frisquet, pas plus de trois ou quatre degrés. Quand on trotte à l’extérieur toute la journée il fait vite froid, un chocolat chaud et retour au camp de base pour parfaire l’équipement – gants et bonnet- que je ne lâcherais plus durant les quelques jours de mon séjour.
La topographie des lieux étudiée, je vois comment répartir mon temps de visite au mieux. Dans la journée, découverte de la ville et de ses monuments ou musées et à partir de dix-sept heures quand le soir tombe, promenade dans les marchés de Noël pour apprécier les éclairages féeriques. C’est quand la nuit est là que la magie opère. Les arbres le long des rues, quelconques l’après-midi, ont revêtu leurs habits de lumière, les façades des maisons remarquables, sont alors illuminées et les baraques en bois, chalets miniatures des marchés offrent à profusion leurs trésors de santons, jouets en bois, boules et guirlandes pour le sapin. D’autres exposent des produits artisanaux taillés dans le bois ou le minéral, ou de laine tricotés. Mais la foule est plus dense devant les cabanes où s’étalent les friandises en sucre ou au chocolat, les pains d’épices de toutes sortes, les petits gâteaux (les bédeles) et les pains au lait en forme de Père Noël. Des grappes de gamins passent, une main dans celle d’un parent et l’autre pleine d’une gaufre chaude dégoulinant de chocolat, les yeux écarquillés d’étonnement de se retrouver en vrai, dans le décor de leurs livres d’images.
Ne croyez pas que seuls les enfants se régalent, la lutte est âpre devant les stands qui donnent des produits à déguster gratuitement, canapés de foie gras, tranchettes de pain d’épices, petits biscuits. L’ordre d’ingurgitation n’a pas d’importance, c’est bon, c’est gratuit, tout fait ventre ! Comme on a mangé, on a soif et comme il fait froid, on prend un vin chaud parfumé à la cannelle ce qui permet de faire une petite pause avant de repartir d’un bon pied pour un énième tour des marchés, au son des chants de Noël diffusés par la sonorisation municipale qui parfois se mêlent aux scies d’un manège de chevaux de bois qui tourne, tourne, emportant ses petits passagers aux pays des rêves merveilleux. Déambulant au milieu de la foule, le Père Noël et son âne, prêts à poser pour une photo de groupe à la demande
Si le soir est consacré aux marchés, dans la journée j’explore la ville. Promenade au Champ de Mars, un grand parc avec une énorme fontaine dédiée aux continents et deux oeuvres de Bartholdi, le sculpteur originaire de Colmar, dont le monde entier connaît la statue de La Liberté.
Visite du Musée du Jouet (un de plus) où poupées Barbies et Dinky-Toys nous maintiennent dans le monde de l’enfance. Belles maquettes de trains électriques qui vont et viennent dans des décors chiadés. Colmar a aussi sa petite Venise, un modeste canal, la Lauch affluent de l’Ill, où l’été il est certainement très agréable de s’y faire promener en barque. C’est bien entendu dans ce quartier que se trouve la rue de la Poissonnerie. Toute la vieille ville est constituée de rues aux noms évocateurs, rue de l’Ange, rue aux Ours, rue des Tanneurs etc. Maisons à colombages, façades où des niches gardent encore la survivance de statues de saints patrons.
A bien marcher, l’estomac crie famine. Ici, pas de problème, je dirais même que l‘offre dépassant mon appétit je ne pourrai pas goûter tout ce qui s’offre à mon regard dans les vitrines des pâtisseries et des traiteurs ou au menu des restaurants. Que de regrets ! Néanmoins, pour l’heure, je pousse la porte d’une winstub, une taverne si vous préférez et je m’installe à une table, dans un décor tout de bois, pour engloutir un énorme jambonneau braisé accompagné d’une bière pression. Le dessert je le prendrai plus tard dans la journée, un baewacka, un agglomérat de fruits secs, raisins, noix et miel, roboratif et énergétique !
Déambulation dans les ruelles pavées du vieux Colmar, l’ancien quartier des Tanneurs et le marché couvert, le théâtre qui propose des évènements culturels de haut niveau, l’ancienne douane dont les locaux sont investis pendant les fêtes par une exposition d’artistes locaux, enfin, la Collégiale Saint-Martin au toit de tuiles vertes et à l’arche du porche encombrée d’une multitude de visages sculptés de saints, d’anges et démons aux physionomies inquiétantes ou amusantes. Aujourd’hui on passe sans à peine y jeter un regard blasé mais si on se replace dans le contexte de l‘époque où l’image existait à peine, ou pour quelques religieux et nobles seulement, toutes ces figures devaient engendrer la crainte et le respect au bas peuple qui se pressait dans les églises.
Une dernière visite pour le musée Unterlinden, installé dans un ancien couvent de Dominicains. Peintures du Moyen-Âge, Christ en croix ou Cène en plusieurs versions, c’est en fait assez déprimant et je ne prise pas ce genre artistique. Le chef-d’œuvre du musée est le retable d’Issenheim peint par Mathias Grünewald vers 1512-1516. Une salle propose aussi des peintures modernes de Monet, Picasso etc. Un peu accablé par cette visite, je me remonte le moral avec une terrine de baeckeofe, ragoût de deux viandes et pommes de terre. C’est excellent, ça tient chaud au corps et ça redonne le moral. Sur le chemin vers l’hôtel, une vénérable librairie accueille l’auteur d’un remarquable ouvrage sur Hansi, le célèbre illustrateur Alsacien né ici qui a magnifié sa province chérie entre la fin du XIXème et le début du XXème siècle. Planches en couleur préfigurant la fameuse « ligne claire » d’Hergé, décrivant la vie quotidienne ou la résistance à l’envahissement allemand. L’ouvrage dédicacé me fera une saine lecture durant le voyage du retour.
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